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Le retour à la chambre photographique

De plus en plus de photographes délaissent le numérique au profit de la chambre. A l'occasion du Mois de la Photo, plongée dans la « photographie de la lenteur ».

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Par Laurene Daycard

Publié le 14 nov. 2014 à 01:01

Longtemps condamnée à disparaître sous la poussière des musées, la chambre photographique retrouve aujourd'hui ses lettres de noblesse. Cet appareil grand format imaginé au XIXe siècle est remis au goût du jour par la création contemporaine, tel un pied de nez au progrès technologique, selon lequel une innovation en chasse toujours une autre. Nichée dans le Marais parisien, la galerie Polka expose jusqu'en janvier les images de ruines apocalyptiques d'Yves Marchand et de Romain Meffre. Armé d'une chambre 4 × 5 en bois, ce duo de jeunes artistes sillonne depuis douze années l'Europe et l'Amérique du Nord à la recherche de friches industrielles. Ce travail exprime un souci d'objectivité, quasi documentaire, dans la lignée de l'école de Düsseldorf, courant porté dès les années quatre-vingts par Bernd et Hilla Becher. « Les lieux se suffisent à eux-mêmes », avance Yves Marchand. L'utilisation d'une chambre se révèle donc être un choix logique. Elle permet en effet de réaliser des agrandissements sans perdre en qualité et en détails : la taille des clichés affichés par Polka mesure jusqu'à 1,50 par 1,90 mètre. Mais, surtout, elle offre la possibilité de décentrer les perspectives. Sans cette option, les lignes verticales des bâtiments prennent une forme pyramidale, lors d'une prise de vue en contre-plongée. « Cet appareil produit quelque chose de très géométrique et puissant », insiste l'artiste.

Dans une variante plus lifestyle, c'est le Studio Cui Cui (*) qui insuffle la tendance, du côté de Ménilmontant, dans l'Est parisien. Il y est possible de se faire tirer le portrait selon la technique du collodion humide, l'un des premiers procédés utilisés par les chambres pour capter la lumière. Ici pas de subterfuge Instagram, le résultat est garanti vintage. Compter 125 euros la séance d'une demi-heure.

« Un éloge de la lenteur »

Au-delà de considérations techniques, l'engouement pour cet instrument comporte une charge philosophique. Ce come-back se positionne à contre-courant de l'ère digitale, caractérisée par la profusion anarchique d'images sur Internet. C'est dans cet esprit décalé que le prix Caméra Clara a été lancé en 2012 par la Fondation Grésigny. Tous les ans, il récompense d'un chèque de 6.000 euros le travail à la chambre d'un artiste. « Même lorsque l'objet dispose d'un dos numérique, son utilisation nécessite du temps », analyse la membre du jury, Frédérique Babin. « On salue les gens qui réfléchissent pour donner du sens à ce qu'ils produisent, c'est un éloge de la lenteur », poursuit cette ancienne chef du service photo du « Monde magazine ».

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Pourtant, prendre son temps est devenu un luxe, notamment dans le domaine du photojournalisme. Face à des médias n'ayant plus forcément les moyens de financer des reportages au long cours, les photographes se tournent vers d'autres circuits de diffusion. S'il rêvait à ses débuts d'intégrer l'agence Magnum, Ambroise Tézénas, spécialisé dans la post-actualité, a emprunté le chemin des galeries et des maisons d'édition. L'appareil à soufflet devient alors une promesse de qualité adaptée à l'exigence de ces nouveaux supports. « J'essaye de réunir le fond et la forme », résume-t-il. Ce mois-ci, il publie chez Actes Sud son nouvel ouvrage, intitulé « Le Tourisme de la désolation ». Une oeuvre de longue haleine qui l'a mené sur des zones sinistrées aux mains de tour-opérateurs, comme Auschwitz ou le mémorial du génocide rwandais. S'il lui arrive de ressortir son Reflex numérique pour ses commandes dans la presse, il reste fidèle à la chambre dès qu'il s'agit de ses travaux personnels : « Les huit kilos que je transportais sur mon dos faisaient partie de ma recherche. Une bonne photo se mérite. »

(*) http://www.studiocuicui.fr, 14, rue Crespin-du-Gast, 75011 Paris.

Laurène Daycard

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