La relation passionnante entre texte et photographie

La relation entre texte et photo, entremêlés dans de subtiles narrations, c’est un projet éditorial de quatre numéros par an dont Viens Voir est addict. Et c’est signé Aymeric Vergnon-d’Alançon.

 

Ça commence comme un conte de Noël…

En ce temps-là, les artistes espéraient.
Tout en mesurant leur état de dépendance. D’un mécène, d’une institution ou d’une galerie. Il leur arrivait de s’agiter dans la constitution d’appels à projets ou de se morfondre dans l’attente des résultats de candidatures pour une résidence. Beaucoup s’attachaient à la défense de leur statuts, à une reconnaissance administrative, ce qui est déjà pas mal. Mais en quoi croyaient-ils, ces poètes de l’image, lorsqu’ils approcheraient leurs souliers percés de la cheminée ? Un coup de baguette magique qui déclencherait une nouvelle politique culturelle ? L’intervention d’une bonne fée qui se pencherait sur leur inspiration créative et leur apporterait le golden project qui les consacrerait définitivement ?
Combien parmi eux prononceraient ces mots de Patrice Pantin, tandis que sur un coin de table, dans une pièce dénuée de luxe, devant un café tiède et des étoiles dans les yeux, il m’avait dit : « quand même, on a une belle vie » (Patrice, reconnaissance éternelle pour ces paroles qui me tiennent encore chaud au coeur certains jours).

Dans l’atelier d’Aymeric, le soleil brille toujours

Alors, il ne restait qu’une chose à faire : prendre sa liberté. Pour se ré-inventer. C’est ce qu’a fait Aymeric Vergnon-d’Alançon le jour où il a lancé son projet éditorial 325 mm. Aymeric Vergnon-d’Alançon, vous le connaissez, nous avions parlé ici de cet artiste pour explorer son projet hors du commun intitulé Gnose&Gnose&Gnose, chaudronnée plastico-mystique autour du Cours de Photographie en 25 leçons de René Bouillot (à lire ici). Depuis cette rencontre, il y en a eu d’autres, discussions érudites, enjouées et toujours stimulantes.

Un projet éditorial autour de la photo et du texte

Et puis il y a eu ce projet éditorial, 325 mm : 4 numéros par an, mêlant photo et texte, qui vous parviennent dans votre boîte à lettres.
Je dois vous dire qu’à quatre reprises cette année, la livraison de 325 a été un petit bonheur que j’ai dégusté à petites bouchées. D’abord parce que les textes d’Aymeric sont de petits bijoux finement ciselés. Ensuite parce que le rapport texte/image s’y renouvèle à chaque fois, filmique, photographique, expérimental, utilisant toute la spatialité de la page comme potentiel narratif. C’est à la fois léger et puissant, les émotions s’y déploient dans une vraie subtilité chromatique. Alors, parce que c’est un projet que nous avons eu envie de soutenir tout spécialement, nous sommes retournés voir Aymeric Vergnon-d’Alançon et lui avons posé quelques questions.

Des publications mystérieuses, ésotériques, obscures

Que penses-tu de mon édito ? Est-ce qu’il traduit bien ce qui a donné naissance à ton projet ? Y a-t-il une dimension autre dans cette aventure ?

Je garde d’abord ceci de ton édito : la dimension avant tout existentielle de la création, on y bricole comme on peut. La vie est belle justement quand on y trouve des manières d’accomplir une part d’imaginaire. Certaines recherches sont plus fragiles, d’autres plus assurées. Qu’elles soient modestes importe peu.
Cela dit, 325mm n’est pas venu par dépit ou en réaction à un quelconque statut d’artiste. Et je ne suis pas certain de m’y « ré-inventer ». Plutôt au contraire d’avancer ici un désir très très ancien. Car il y a bien sûr un goût profond et lointain pour le papier imprimé, pour les publications mystérieuses, ésotériques, obscures. Franchement, cela remonte à l’enfance. Plus tard, j’ai découvert le continent des livres d’artistes. Si j’avais de l’argent, c’est une des rares choses que je pourrais collectionner !

Quelle est la matière des différents épisodes de 325 ? Recycles-tu des travaux déjà existants ? Suis-tu un désir spontané en créant spécialement ?
La matière est donc double et par là infinie : un versant « texte », un versant « images » et les deux s’arcboutent dans une tension discrète ou plus manifeste. Un équilibre précaire et en mouvement. Images et texte avancent dans une course de relais comme le long d’une spirale.
Certains 325mm pré-existaient sous des formats différents et la collection a pour origine une unité formelle qui me permettait de reprendre quelques propositions inabouties. D’autres, sont des créations directement faites pour 325mm, dans ce dialogue avec la collection (son format, son papier, sa pagination).

Les épisodes sont-ils indépendants ?

Oui. La collection est venue du format et du papillon coloré. D’ailleurs je veille à ne pas tout faire rentrer dans la collection. Malgré tout, il y a des rimes. Des renvois entre certains textes et certaines mises en page.

Textes et images s’animent et s’aimantent

325 mm te permet-il d’élaborer une esthétique particulière propre à cette forme ?

Sans doute ! Mais si la question appelle une explication solide et argumentée, me voilà bien en peine. Car il n’y a rien ici de conceptuel. Je n’ai au fond rien à dire en amont ou en dehors de l’œuvre elle-même. Aucun discours à tenir sur 325mm.
C’est d’abord et avant tout ce que c’est : une série de publications où textes et images s’animent et s’aimantent pour proposer un récit, une fable ou une rêverie plus ou moins poétique, plus ou moins narrative. Chaque fois, l’aventure est nouvelle et se joue, je l’espère, dans un espace précis. Avec la collection un cadre est posé, un espace, quelques règles graphiques et avec ces contraintes il s’agit de creuser une forme et un propos (le tout évidemment bien mixé).
Deux départ de feu néanmoins ont été concomitants : j’ai participé à un colloque à l’Université de Lausanne sur les liens entre photo et poésie. Une bonne occasion de réfléchir et une bonne occasion de voir mes amis et éditeurs d’art&fiction (donc de Gnose&Gnose&Gnose). Stéphane Fretz m’a ainsi conseillé d’unifier les diverses publications que j’avais apporté à l’occasion. Il m’a aussi invité à proposer des souscriptions et ainsi par exemple la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie de Genève a acquis les 4 premiers numéros. Au même moment, je lisais « Le film et son double » et les pages d’Erik Bullot notamment autour du « film-papier » ont été très stimulantes.

Capturer l’attention du lecteur

Quel rapport voudrais-tu établir avec ton public ?

La matière du livre est aussi le temps. On tente de capturer l’attention page après page et à chaque page tournée c’est une petite avancée, un carrefour où tout apparaît et tout se reconfigure. Je ne voudrais pas qu’on se contente de feuilleter. C’est pourquoi du reste il n’y a rien, je crois, de très spectaculaire : la typographie, la mise en page sont évidemment travaillées, quelquefois avec une légère orchestration mais cela reste quand même plutôt de la musique de chambre. Et j’espère qu’en donnant un peu de temps, le lecteur rentrera ici dans un dialogue plus intime. L’ambition est juste de faire sonner, tinter, une petite corde très fine à l’intérieur de chacun.

Après cette lecture, vous voulez découvrir et vous abonner à 325 mm ? Vous trouverez tous les détails ici.