Jusqu’au 26 avril 2020 sont exposées au Musée de Bretagne 150 photographies de Charles et Paul Géniaux. Les deux frères, nés à Rennes à la fin du XIXe siècle, sont des pionniers du photoreportage. L’objectif de l’exposition : faire découvrir aux Rennais ces photographes, tombés dans l’oubli après leur mort.
Charles Géniaux, c’est le nom d’une rue, d’un arrêt de bus et d’un complexe sportif, à l’est de Rennes. « À part ça, les gens ne le connaissent absolument pas », regrette Laurence Prod’homme, commissaire de l’exposition « Charles et Paul Géniaux. La photographie, un destin » au Musée de Bretagne. Pourtant, les deux frères, nés à Rennes en 1870 et 1873, sont bien plus que de simples noms sur du mobilier urbain : ils font partie des pionniers du photoreportage. Au Musée de Bretagne, 150 de leurs clichés sont exposés jusqu’au 26 avril 2020.
Parmi leurs photographies, de nombreuses scènes de la vie quotidienne en Bretagne : ici des fermiers bretons, là un sabotier, ou encore des enfants courant dans une prairie. « Ils ne sont pas les seuls à avoir photographié ces scènes. D’autres photographes l’ont fait à la même époque », signale Laurence Prod’homme, avant d’admettre : « Mais je trouve qu’ils ont une spécificité. Le fait de ne pas être originaires des milieux qu’ils photographiaient leur permettait d’avoir un point de vue plus distancié. » Les deux frères sont en effet nés dans une famille bourgeoise, cultivée et relativement fortunée.
Ces photographies sont aussi l’occasion de faire un état des lieux de la Bretagne du début du XXe siècle. « C’est un voyage dans le temps : la Bretagne est une région qui a bien changé, relève la conservatrice. Charles a compris assez tôt qu’il était en train de photographier quelque chose qui allait disparaître. »
Pour autant, Charles et Paul Géniaux ne se sont pas arrêtés aux frontières de la Bretagne. « Ce sont des gens qui ont beaucoup voyagé, décrit Laurence Prod’homme, notamment en Afrique du Nord : Maroc, Tunisie, Algérie. Ce qui est intéressant, c’est que d’un pays et d’une région à l’autre, ils ont photographié la même chose : les petits métiers de la rue, les scènes de culture, de fête… »
Au début du XXe siècle, la photographie de presse est peu développée. Les journaux sont illustrés par des gravures. Grâce à leur travail, les frères Géniaux deviennent des pionniers du photoreportage : Charles crée deux revues, qu’il illustre par la photographie. Son frère s’installe à Paris en 1896, où il se lance dans le photoreportage destiné à la presse. Il réalise notamment des séries de photos consacrées au monde ouvrier.
Au total, le Musée de Bretagne est parvenu à collecter 683 documents répondant aux noms des deux frères. Le résultat d’un travail de longue haleine. Les premières acquisitions se font en 1990, à l’occasion de ventes publiques de photos de Paul Géniaux. Puis c’est en 2012 que le véritable travail de recherche commence : le musée organise une exposition de photographies, intitulée « Reflets de Bretagne ». Les propriétaires de la maison ayant appartenu à Charles Géniaux à Rochefort-en-Terre (56) contactent alors le musée : ils sont en possession de négatifs du photographe. « Ils ont proposé de nous les donner, témoigne Laurence Prod’homme. Ça a été le début d’une petite enquête de détective. » De fil en aiguille, elle entre en contact avec des descendantes de la famille Géniaux. Malgré ces six ans de recherches, « il y a encore beaucoup de trous autour de la connaissance de leurs travaux », déplore-t-elle.
Au-delà de cette exposition, certaines photographies des frères Géniaux pourraient être intégrées dans le parcours permanent du Musée de Bretagne, qui est en cours de renouvellement. « La photographie aura probablement une place plus importante qu’actuellement », présage la conservatrice du Musée.