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Untitled 1968 - Le paradoxe de la composition en photographie - Thomas Hammoudi - Photographie de rue

Le paradoxe de la composition en photographie

Introduction

Avant ces quelques mots, je n’avais jamais écrit sur la composition en photographie. Enfin, mis à part cet article Composer une image en noir et blanc [N&B 3/4] qui aborde plus le passage de la couleur vers le noir et blanc et ses implications que la composition en tant que telle, ou  certains articles où j’analyse l’œuvre de grands photographes (au hasard : « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre » ou le leitmotiv d’Henri Cartier-Bresson). Mais dans l’absolu, je n’avais jamais fait de billet portant uniquement sur la composition pour elle-même, et l’usage que l’on peut en avoir en photographie. Non pas que le sujet manque d’intérêt, bien au contraire, mais à mes yeux, il s’agit d’une planche savonneuse, sur lequel il est risqué de se lancer à pleine vitesse, surtout quand on voit qui s’y est déjà cassé la figure1. Si d’apparence la notion peut sembler facile à comprendre et à enseigner, en y regardant de plus près, on se rend vite compte qu’il ne suffit pas de colorier des images dans tous les sens pour traiter le sujet.

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Une magnifique tentative par Eric Kim.

C’est un sujet que je trouve passionnant, car il se situe au cœur de ce qui fait la puissance de la photographie en tant qu’art : passer un message. C’est une évidence, mais allons-y : vous pouvez avoir la meilleure idée du monde, si la composition est bancale, la photographie est bancale. L’inverse est tout autant vrai. Ainsi, je n’hésite jamais à conseiller la lecture de l’ouvrage de Mante sur le sujet : il  constitue à mon sens une lecture essentielle pour acquérir les bases.

La photo composition et couleur - Le paradoxe de la composition en photographie - Thomas Hammoudi - Photographie de rue
Harald Mante, composition et couleur en photographie.

Si l’importance de la composition et de sa maîtrise ne sont pas à démontrer, ce sujet souffre quand même d’un paradoxe : il y a à la fois des règles, qui quand elles sont appliquées fonctionnent, et à la fois pas de règles, car personne (sous-entendu : dans le monde de la photographie d’art) ne les applique de façon systématique. Dit autrement, je peux prendre chaque règle, et vous montrer à la fois qu’elle est efficace, pertinente et fonctionnelle, et à la fois vous montrer une photographie encore plus percutante, qui fait fi de toutes ces règles. On essaie ?

Prenons la sacro-sainte et très appliquée règle des tiers. Elle impose de ne pas centrer son sujet (c’est ennuyeux), de placer les points forts de l’image sur les lignes et points, et surtout de répartir harmonieusement le contenu de l’image entre ces tiers : la règle d’or étant 2/3 de ciel pour 1/3 de sol en paysage, ou l’inverse. Mais surtout pas 50/50 !

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Et elle cela marche très bien, voyez par vous même.

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Photographie – H. Cartier-Bresson

L’image de Cartier-Bresson respecte scrupuleusement la règle telle que je viens de l’énoncer, et produit une image forte et marquante, qui fonctionne donc. Même si, dans l’absolu, je doute qu’il ait pensé à tous ces éléments à la prise de vue, et que l’on regarde cela a posteriori (il est facile de choisir dans son œuvre les images qui vont dans le sens de la démonstration, d’ailleurs, sur certaines images il ne l’applique pas du tout, mais bref, on y revient, soyez patients).

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A l’inverse, cette photographie de Paolo Pellegrin ne respecte pas du tout les divins préceptes de la règle des tiers. L’image se compose de 2 bandes horizontales (les gens et le vide), le sujet est tout ce qu’il y a de plus centré. Pourtant, elle est parfaitement réussie, et d’une grande puissance narrative, le geste de l’homme est intense (on dirait presque une scène biblique peinte à la Renaissance). Il faudrait être bien assis pour affirmer le contraire sans saigner du nez. Je n’ai pris qu’une seule règle dans cet exemple, mais on peut faire la même démonstration avec toutes.

Du coup, qu’est-ce que l’on fait de ce paradoxe : les règles et les principes de composition, cela fonctionne ou pas ? Dans quelle mesure nous sont-ils utiles ? Faut-il les connaître ?

Commençons par respecter les traditions, avec une bonne vieille…

Définition

Selon Wikipédia, qui une fois n’est pas coutume, dispose d’une définition fort à propos : « La composition photographique consiste en l’arrangement délibéré des éléments visuels d’une photographie. Le but est de choisir et de disposer ces éléments de façon harmonieuse de façon à communiquer des idées (la « signification d’un fait » pour Cartier-Bresson)« . Elle se compose des éléments suivants :

  • L’espace sur l’image utilisée pour l’illustration,
  • La perspective, la disposition spatiale des objets sur l’image, la profondeur de champ, et tous les procédés qui donnent l’impression de profondeur sur une image bidimensionnelle,
  • La ligne ou direction suivie par les yeux lorsqu’on lit l’image,
  • Les points d’attention, qui attirent l’œil, et leur répartition
  • Le jeu sur les tons clairs ou sombres, les textures.
  • La ligne d’horizon, la profondeur de l’image .
  • Les différents plans de l’image

Il s’agit là des grandes lignes, mais qui résument quand même une bonne partie du sujet. La photographie n’est pas une science, aucune théorie ne peut traiter ses principes de manière exhaustive ni les définir clairement. Si vous voulez aller plus loin, en plus de l’ouvrage de Mante déjà cité, je vous conseille ce livre de Shore (Shore, S. & Lablanche, D. (2010). Leçon de photographie la nature des photographies. Paris: Phaidon.) résumé en partie dans ce billet : Comment retranscrire le monde en photographies ? (par S. Shore)

Autre détail qui va sûrement m’attirer les foudres de certains puristes (venez toujours jouer en commentaire, on verra qui est Zeus) : la composition se décide parfois après la prise de vue. Cela varie énormément selon le genre photographique que l’on pratique (forcément, un paysagiste aura plus de temps de la peaufiner à la prise de vue qu’un photographe de rue), mais on ne peut tout voir, tout calculer, tout concevoir selon notre goût lors des quelques fractions de seconde du moment de la prise de vue. C’est un fait qui saute aux yeux quand on jette un coup d’œil attentif aux planches contacts des grands photographes : leurs compositions si parfaites, qui répondent si bien à leur « style », ne sont en réalité souvent qu’une seule image dans un flux, qui a été choisie a posteriori parmi plusieurs essais. Produite à la prise de vue certes, mais validée et canonisée bien après.

R. Burri (voir Lubben, K. (2017). Magnum Contact Sheets. Thames & Hudson.)
R. Burri (voir Lubben, K. (2017). Magnum Contact Sheets. Thames & Hudson.)

D’ailleurs, la retouche est aussi un autre outil de composition qui s’utilise après la prise de vue. Je n’entrerai pas plus dans ce sujet, mais retenez ceci : les ayatollahs de la composition parfaite dès la prise de vue, révélatrice du talent immense de son auteur, sont souvent à côté de la plaque, tel Jack après le naufrage du Titanic.

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« – Je te jure Rose, tu peux composer une image parfaite dès le début ! » – « Laisse moi dormir putain ! »

Ceci étant dit et posé, j’aurais pu choisir d’approcher ce sujet par le classique (mais pas pour autant efficace) : « Apprenez-les en débutant et oubliez-les après« . C’est à mon avis une façon un peu simpliste de contourner le problème : est-ce que les pianistes oublient leurs gammes une fois passé un certain niveau ? Non, c’est une hérésie. On peut même en inventer de nouvelles !

Tu parles de quoi ?

J’te parle de moi, j’te parle de faire des choix. Si tu renonces à rien tu choisis pas.

Casseurs Flowters – Inachevés

J’ai donc privilégié une approche différente : il va s’agir, comme il est d’usage sur ce Blog, de partir de vous, de vos aspirations et d’agir en fonction d’elles. Point de jugement de valeur ici, chacun sa pratique, et de toute façon, il est toujours plus efficace de savoir où vous voulez aller et de vous donner les moyens de le faire, que de tâtonner dans le noir en faisant n’importe quoi sans jamais se poser de questions. Avoir une vision juste de sa pratique, c’est placer le curseur de ses exigences au bon endroit.

A mon sens, il y a deux façons d’aborder la composition en photographie, celle de l’artisan et celle de l’artiste. Ces deux approches peuvent produire des résultats similaires ou très différents, mais ça n’est presque pas le sujet. Là où elles se différencient fondamentalement, c’est dans leur façon de gérer l’apprentissage de la composition. Avant de voir en détails de quoi il retourne dans chaque cas, une petite précision : comme les chats la nuit, cette situation n’est faite que de gris. Souvent, on n’est jamais entièrement l’un ou l’autre, blanc ou noir. Beaucoup de photographes vont commencer par être artisan puis artiste (l’inverse me semble plus improbable), mais comme je le disais il y a quelques lignes, dans ce changement il ne sera pas question « d’oublier pour faire autrement », mais plutôt de changer son approche et, petit à petit, de remplir son réservoir d’un autre carburant. En revanche, si vous démarrez la photographie, vous pouvez dès à présent choisir votre camp.

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L’artisan va employer un nombre de règles (techniques, méthodiques, de composition) qui vont lui permettre d’atteindre l’idéal esthétique de son époque. J’insiste : l’idéal-esthétique-de-son-époque. Il ne s’agit pas de produire de bonnes ou belles photographies, tout simplement parce que cela n’est pas possible de façon mécanique. J’ai déjà traité ce sujet sur ce Blog, mais voici un rapide résumé :

  • La notion de « beau » se périme avec le temps, et il n’est pas possible de définir celui-ci clairement. C’est pourquoi Kant dans sa Critique de la faculté de juger analyse le jugement du beau, pas le beau en soi (voir La démarche photographique).
  • Comme il n’est pas possible de définir le beau, Hegel, faisant suite à l’œuvre de Kant, explique dans son Esthétique que l’application de règles fait de vous un artisan, et non un artiste (voir Et si on cassait du cliché à coups de pelle ?).
  • Il n’existe pas de « bonnes » photographies (ni de « mauvaises » d’ailleurs), car on ne peut pas non plus définir une échelle de notation commune et universelle qui permettrait de définir de façon efficace, répétable et juste ce qui est bon et ce qui ne l’est pas (Voir Y a-t-il des bons et des mauvais photographes ?).
  • Roland Barthes dans La chambre claire développe la notion de Punctum, soit ce qui interpelle dans l’image, point le lecteur. Il y dit « ce que je peux comprendre ne peut me poindre« , par définition, cette part de mystère qui fait partie de la magie de la photographie n’est pas mécaniquement reproductible (voir Quand Roland Barthes met les choses au clair).

Ainsi, si vous avez une approche d’artisan, vous ne pouvez pas dire « je veux juste faire de belles images« , car cela n’aurait pas vraiment de sens. Vous visez simplement à atteindre le canon esthétique qui est celui de notre époque (je ne vais pas plus développer cette partie, il me semblerait étrange de vouloir viser les codes esthétiques du XIIIe siècle).

Cependant, et je le redis, il n’y a pas de jugement de valeur ici. Vous avez le droit d’avoir cette approche d’artisan, qui n’est ni meilleure ni moins bien que celle d’un artiste : si elle vous donne satisfaction, vous n’avez pas à rougir de la choisir. La photographie, même si c’est un art, peut parfaitement être abordée comme un simple loisir. Et puis, il vaut mieux être un bon artisan qu’un mauvais artiste, bien que l’on ait tendance à valoriser l’inverse. D’ailleurs, si souvent je critique l’application mécanique de règles toutes faites, ce n’est pas contre ces règles en soi, mais contre l’usage qui en est fait. On ne peut les employer et se targuer d’être un artiste, c’est conceptuellement incompatible. En revanche, si vous êtes droits dans vos bottes, et que cela correspond à vos aspirations, foncez.

Pour être un artisan, vous devrez donc avoir une approche quasi-scolaire de la composition. Il s’agira de trouver des sources fiables (donc on privilégie une bibliographie sérieuse plutôt que des vidéos YouTube aux auteurs douteux), en incorporer les préceptes et les appliquer dans votre propre pratique.

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Découle des paragraphes précédents un fait qu’il sera bon de rappeler à certains esprits : il ne faut pas voir de prétention dans le statut d’artiste, que ça soit dans sa perception ou dans la déclaration d’en être un. C’est simplement que vous avez une approche différente de la pratique (photographique en l’occurrence). C’est comme pour le ping-pong (oui, j’utilise vraiment cet exemple) : certains le pratiquent comme un loisir, d’autre comme un sport. Les exigences et les approches sont différentes, et aucune n’est « mieux » que l’autre.

Être un artiste, c’est vouloir aller plus loin, c’est avoir une faim qui ne peut être rassasiée. Et là, les règles de composition ne vous seront d’aucune utilité. La plupart d’entre elles ne sont que des généralités tirées des œuvres de plein d’artistes, elles sont fonctionnelles car éprouvées, chargées d’autorité, mais ne vous apporteront pas ce que vous cherchez : vous exprimer pleinement.

Ce que vous avez besoin d’apprendre, concernant la composition et l’expression par l’image ne peut être formulé dans des théories générales qu’il suffirait de réappliquer. On entre ici dans le domaine de l’acharnement, du tâtonnement et de l’empirisme, dans ce que j’appelle « le travail de fourmi.« 

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Les fourmis gambadent sur Terre depuis 300 millions d’années. Elles vivent dans une société réglée comme du papier à musique (1/3 d’entre elles ne font rien, 1/3 fait quelque chose mais qui ne sert à rien, et le dernier tiers travaille correctement), elles ont toutes à manger, et ne fabriquent pas de bombes nucléaires. De notre côté, cela fait à peine 50 000 ans que l’on a eu l’idée de se balader avec un slip propre, et sans pousser les vérifications. Il y a donc quelques leçons à tirer de leurs façons de faire, et l’une d’entre elles est lié à leur façon d’aborder les problèmes.

Individuellement, les fourmis sont efficaces, mais pas de quoi casser 3 pattes à un canard. C’est dans leur approche collective-empirique des problèmes qu’elles sont redoutables. Quand il y a une tâche dont elles doivent s’occuper (le plus souvent c’est aller chercher de la nourriture), elles ne réunissent pas en grandes assemblées, où elles discuteraient de la façon de faire, puis se mettraient en marche une fois tout le monde d’accord, parce que c’est leur prooooooojeeeeeet. Non, non, non. Elles partent toutes dans tous les sens et testent toutes les possibilités. Jacqueline va voir sous les feuilles, Josiane657 (il y a beaucoup plus de Josiane que de Jacqueline chez les fourmis) va voir derrière le tronc, Martine sur le tronc, etc. La première qui trouve quelque chose laisse une trace de phéromones plus forte au retour, ce qui attirera les autres fourmis, qui feront pareil si elles jugent la piste intéressantes, et cela, jusqu’à ce que la somme de ces traces de phéromones rendent la piste irrésistible et que toutes les fourmis s’y précipitent.

Eh bien analyser la composition dans le cadre d’une approche artistique, c’est faire ce travail de fourmi. Que ça soit un apprentissage basé sur une analyse de l’existant, ou sur la pratique, l’approche est la même : il faut tout tester, tout regarder, tout scruter, et une fois que l’on trouve un filon intéressant, le creuser jusqu’à son épuisement. Vous devez comprendre ce que vous aimez, et pourquoi ça marche. C’est ce que j’ai fait avec William Klein par exemple, j’aime beaucoup son approche chaotique de la composition, l’aspect organique de ses images. Et pour découvrir que c’était ça que j’appréciais et le comprendre, il m’a fallu analyser toutes ses images. Pourquoi il a mis ça là ? Pourquoi ces temps de pose ? Comment agissent-ils sur le message ? Est-ce que le fait qu’il utilise une focale large n’est pas lié au ressenti que l’on a devant la photographie, à l’impression d’y être aspiré ? Etc. C’est cette approche qui aboutit à la rédaction d’articles comme Toute l’intransigeance du noir et blanc, en trois œuvres magistrales, et le billet retranscrit ce travail de fourmi effectué sur trois ouvrages.

Ce que l’on apprend avec cette méthode ne peut être appris autrement, et est beaucoup plus profond que de simples généralités fonctionnelles sur la composition. On touche à ce qui fait l’individualité des photographes et de leurs œuvres. On est plus dans le domaine du « voici ce qui a été fait, pourquoi et comment » que du « voici comment faire ».

Avec le temps, de cette approche naît un répertoire, on pourrait appeler cela des gammes, comme celles qu’on l’on utilise en musique, et l’on y puise en fonction des situations et des besoins. Pour continuer l’analogie : j’ai appris la gamme pentatonique que je vais utiliser pour des solos rock, et la gamme majeure pour le jazz par exemple. Je fouille dans mon répertoire pour trouver des mélodies, des rythmes, des techniques qui produiront le bon effet au bon moment. Tout cela est très instinctif, pendant un solo, je ne sais jamais pourquoi je joue un Ré à tel moment, c’était simplement ce qui m’a semblé, parmi les éléments à ma disposition, le meilleur à employer à ce moment là. Il n’y a pas de réflexion, ce n’est pas mécanique. L’appréhension et l’acquisition de la composition dans une approche artistique de la photographie, c’est pareil. Faites ce travail de fourmi pour vous armer (je peux le vulgariser dans des articles à votre place, mais rien ne remplace vraiment ses propres analyses), puis en fonction des situations puisez dans ce que vous aurez acquis.

Pour illustrer cette approche, nous allons nous pencher sur l’exemple de Garry Winogrand.

L’exemple de Garry Winogrand

Alors, pour être clair, étudier Garry Winogrand c’est une plaie. Né le 14 janvier 1928 à New York et mort le 19 mars 1984 à Tijuana, il a laissé lors des 5 et demie décennies de son  passage sur Terre une œuvre colossale (100 000 photographies développées, et 250 000 non développées / tirées, c’est l’estimation basse) dont il est impossible d’avoir une vision globale. Faire une sélection pour cet article a été un petit enfer, heureusement j’ai été aidé dans cette tâche par l’excellent ouvrage de Geoff Dyer qui m’a bien prémâché le boulot.

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Geoff Dyer. The street philosophy of Garry Winogrand

Avant de démarrer, parlons un peu de sa pratique dont l’apparence pourrait choquer les puristes de la composition parfaite. Il y a deux éléments à connaitre de la pratique de Garry Winogrand :

  • Il n’en avait pas « rien à faire » de la composition, et ne produisait pas « des images bancales ». Il considérait juste que le fait d’avoir la ligne d’horizon bien droite était bon pour les photographies « fine art« , mais pas pour les siennes. Il photographiait la vie comme elle venait, mais ne négligeait pas pour autant les lignes dans ses images, c’est juste que l’horizon n’était systématiquement aligné aux bords supérieurs et inférieurs de l’image. En revanche, les lignes sont toujours travaillées dans ses images.
  • Il ne prend pas des « instantanés » (snapshot en anglais), d’ailleurs, il dit lui même que le terme est d’une débilité profonde, qui désigne la plupart du temps les photographies familiales / prises à la légère, qui sont paradoxalement souvent posées et sur lesquelles tout le monde sourit. C’est assez éloigné de la photographie de rue telle qu’il la pratique.

Winogrand approche la rue comme un théâtre, duquel il essaie d’arracher des images. Il photographiait énormément et toujours l’œil dans le viseur (il disait qu’on perd le contrôle sur son cadrage sinon, ce qui est paradoxal parce que je doute qu’à la vitesse où il visait il ait eu le temps de cadrer beaucoup. Il montait l’appareil à son œil une fraction de seconde, regardez sur YouTube c’est impressionnant. Donc pas de prise de vue à la hanche / main levée pour lui).

PS : toutes les photographies ci-dessous sont de Winogrand.

Combien de temps peut-on mettre dans une image ?

On pense à tort qu’une photographie ne correspond qu’à 1/125e (si c’est la vitesse que vous avez utilisée, hein ?) de la réalité : mais est-ce vraiment le cas ? De par la narration induite par la composition, combien de temps peut-on mettre dans une image ?

Garry Winogrand, dans l’image ci-dessous, nous répond : « Beaucoup ».

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Tous les éléments de la composition tendent à renforcer cette idée. La scène a lieu dans un aéroport, donc la notion du voyage qui est présente. Un homme tient un panneau indiquant « Bienvenue en Californie Jane« , la femme arrive (ou revient) d’ailleurs et est attendue. Il semble heureux de la retrouver, et il est accompagné de trois enfants. Observer ces éléments nous questionne : Depuis combien de temps l’attendaient-ils ? Pourquoi cet évènement semble-t-il important ? Et tout ça dans une seule image. Le travail de fourmi c’est faire cette analyse là. Aucun manuel ne vous l’apprendra.

Couleur ou noir et blanc ?

En se penchant sur les images de Winogrand, on remarque une chose (qui doit sans doute aussi être évidente dans les œuvres d’autres artistes) : la couleur isole, elle est cinématique, le noir et blanc lui, renvoie à la notion de passé (et pas au passé directement, les images suivantes ont été prises à la même époque).

C’est particulièrement visible dans la photographie ci-dessous. La couleur nous donne l’impression qu’elle sort d’un film, le ciel bleu et l’étendue de blanc donnent à l’image un air irréaliste.

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Comme le dit L.P. Hartley : « The past is a foreign country » (« Le passé est un pays étranger »). Et c’est d’autant plus vrai quand l’image est en noir et blanc. Comme nous voyons le monde en couleurs, l’absence de couleur nous éloigne de l’image et de son contenu. Dans l’image ci-dessous, les habits dans la vitrine renvoient à une époque plus lointaine (les années 50-60), et cette distance aurait été moins grande si l’image avait été en couleur.

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Aller plus loin que l’image

S’il y a bien une chose que Winogrand sait faire, c’est transformer ce théâtre d’opérette qu’est la rue en quelque chose de plus grandiose. De par son approche, il arrive à rendre ses photographies plus intéressantes que ce qu’elles montrent. Prenons cet exemple :

https://oscarenfotos.files.wordpress.com/2014/12/garry_winogrand_garry-winogrand-wyoming-1964-c2a9-estate-of-garry-winogrand-and-courtesy-fraenkel-gallery-san-francisco_road_camino_2.jpg

L’image présente deux hommes qui attendent, mais est-ce vraiment tout ?

Non. Leur attitude, les costumes, la valise, avec un peu d’imagination on n’est pas loin de penser qu’il pourrait s’agir de deux mafieux qui quittent la ville après un gros coup. Ils ont trahi leurs comparses et attendent le bus qui les emmènera loin, anxieux (l’homme semble faire les 100 pas), à l’idée de se faire rattraper avant.

Une galaxie de détails

Quand une photographie de rue fonctionne, c’est souvent grâce à une galaxie de détails. Dans cette image, une jeune femme (il est possible qu’il s’agisse d’une actrice connue, selon Geoff Dyer), donne de la monnaie à un homme noir qui mendie avec un panneau indiquant qu’il est sourd et aveugle. La femme donnant l’argent forme un petit trio avec les deux autres femmes derrière elle, l’une passe sans prêter attention à la scène, tandis que l’autre semble interloquée : par le geste ou par la présence du photographe. De même, derrière l’homme qui mendie se trouvent deux femmes noires qui ont aussi un air interrogateur, pour quelles raisons ? En bas à droite de l’image on aperçoit les oreilles d’un chien et le bout d’une laisse. Appartient-il à l’homme qui est aveugle ou à celui qui passe derrière lui au moment de la prise de vue ? Enfin, il y a « Plain & Fancy » écrit sur la devanture dans le fond. Cela pourrait être la façade d’un magasin qui vendrait des produits (ordinaires et fantaisistes, c’est la traduction), un clin d’oeil à la photographie de Winogrand. Il s’agit aussi du nom d’une pièce de théâtre, mais le véritable spectacle n’aurait-il pas lieu sur le trottoir ?

Une galaxie de détails, je disais.

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Une composition sans théorie

Même quand les compositions sont riches d’idées, il est difficile d’en tirer des règles génériques. Dans la photographie ci-dessous, on remarque que l’étage de la maison et l’arrière de la voiture sont composés de formes similaires : un aplat blanc, avec une forme au centre (un carré pour la fenêtre de la maison, un rond à l’arrière de la voiture), entourées de 2 triangles (pointant vers l’extérieur dans un cas, vers l’intérieur dans l’autre), la maison est surplombée de blanc quand la voiture l’est de noir. On retrouve la forme triangulaire du toit dans le fond, sur ce qui semble être une autre maison. Faite de courbes, lignes, formes, cette image fait que notre regard rebondit dans tous les sens. Mais comment en tirer une règle générale à appliquer partout, comme l’artisan le rechercherait ? Vous ne pouvez pas, si ce n’est dans une maxime si générique qu’elle perd toute substance, et qui se formulerait comme suit « pensez à utiliser des formes géométriques ».

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L’influence du photographe dans sa propre image

Après les articles De l’influence des autres sur nos photographies (avec Aurélien Pierre) et De l’influence de l’influence sur nos photographies (avec Aurélien Pierre), je rappelle une nouvelle fois Aurélien Pierre pour… Non, je déconne, détendez-vous.

Certaines images de Winogrand nous questionnent sur la place du photographe dans ses propres images, et sur son influence quant au contenu. S’il n’y a pas de bonnes pratiques en la matière, la question doit se poser à un moment, et ses photographies nous permettent de voir le résultat d’une forte présence du photographe dans l’image.

Dans la photographie ci-dessous, outre le jeu des regards des hommes vers les femmes, et l’amusement que l’on peut avoir face aux tenues (les hommes tous en costume, les deux femmes habillées de la même façon), la femme de gauche semble réagir à la présence de Winogrand (juste devant elle), quand celle de droit s’en amuse.

Winogrand était souvent discret, rapide, et essayait au plus possible de passer pour un idiot perdu dans les boutons de son appareil. Mais cela ne l’empêchait pas de se faire repérer quelquefois, et que sa présence fasse réagir ses sujets. On sort donc de la photographie de rue d’observation pure (celle que j’ai tendance à aimer, où je n’influence rien de l’image) pour aller vers des images jouant sur le rapport photographe / sujet. A vous de voir quel camp vous choisissez.

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Conclusion

La composition en photographie est sujet à des paradoxes quant à l’usage des règles. Une façon de s’en débarrasser est d’aller joyeusement de l’avant, en séparant l’approche de la composition en deux pratiques : les artisans s’appuyant sur des règles pour produire le résultat que l’on attend d’eux, et les artistes, qui vont devoir creuser, via l’œuvre d’autres photographes et via la pratique, pour se composer un répertoire (comme des gammes en musique) à réutiliser selon les besoins. Aucune des approches n’est meilleure que l’autre, cela dépend juste de ce que vous souhaitez faire.

Si vous voulez découvrir plus de choses sur Garry Winogrand, je vous invite à lire cet article d’Eric Kim (en anglais), il l’a écrit avant que sa passion pour les schémas ridicules n’advienne : 10 Things Garry Winogrand Can Teach You About Street Photography. 


  1. Ou tente d’aborder le sujet, sans déjà savoir s’habiller correctement. Sérieusement, qui porte des chemisettes ? ↩︎

J’ai écrit cet article en écoutant cette playlist :


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Commentaires

38 réponses

  1. Avatar de Clément
    Clément

    Si j’ai bien compris, pour être un bon artisan il faut faut savoir appliquer les règles, et pour être un artiste il faut les connaitre mais savoir s’en affranchir.
    La lecture du livre de Harald Mante, « composition et couleur en photographie », est donc plutôt un bon outil uniquement pour l’artisan ? ou bien il peut aussi aider celui qui tente une approche artistique ?

    Concernant la composition il y a encore quelque chose qui m’échappe…

    Si je prends pour exemple The Red Ceiling de Eggleston, je pense en fait qu’il a appliqué la loi de l’inverse du quart de tiers d’or pour que son image fonctionne.
    Non, plus sérieusement, je n’y vois aucune règle mais je doute que son auteur l’ait prise sans réflexion préalable, assis dans le canap’, une bière dans une main et son appareil dans l’autre.
    Si l’image avait été cadrée un poil différemment, aurait-elle pu avoir le même impact ? Ou alors dans ce cas cette image est intéressante que par son histoire/époque/cohérence avec le reste de son oeuvre ?

    Autre exemple avec ta série InColors. J’imagine que tu as aussi un minimum réfléchi à la composition (cadrage, utilisation des volumes, des ombres, des formes, etc.) lors de la prise de vue avant de te lancer dans le travail d’édition que tu décris dans le making of, n’est ce pas ?

    Dans ces cas, qu’est ce qui a permis de décider qu’un cadrage était plus intéressant qu’un autre ? Est-ce juste une question de ressenti lors de la prise de vue, d’instinct ?

    Enfin, si on a une intention et une cohérence dans un projet mais qu’on pèche au niveau de réalisation car les images ne dégagent rien, sur quoi travailler pour s’améliorer ?
    Je pense surtout à photographier le banal, je trouve l’exercice particulièrement difficile.

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Hello Clément 🙂
      C’est dur de te répondre, j’ai écrit cet article il y a quelques années déjà.

      • Je ne dirai pas qu’il faut connaître pour s’affranchir (ou pour oublier comme on l’entend des fois), surtout des « règles », qui n’existent pas vraiment (cf. https://www.youtube.com/watch?v=VhloTyRorqU). Apprends ce dont t’as besoin, et sers-toi en tant que tu en as besoin.
      • Le livre de Mante est utile à tous je pense.
      • Je pense que le Red Ceilling a été pris comme tu dis « sans réflexion préalable, assis dans le canap’, une bière dans une main et son appareil dans l’autre. » J’aime bien l’approche de Jean-Christophe Béchet à ce sujet (dans Acquérir une culture photographique : réfléchir avant, après (édition) et être instinctif pendant. Cet exemple me semble rentrer là dedans. Cadré différemment, je ne sais aps si elle aurait eu le même impact, sans doute. Pour Eggleston, le contexte et la démarche jouent autant que l’oeuvre.
      • Pour InColors c’est ce que je viens de te décrire : réfléchir un peu avant, après, et sur le coup, faire ce qui me semble le mieux. J’ai quelques critères qui font que j’aime des choses plutôt que d’autres (la présence d’aplats de couleurs, des compositions destructurées), mais ça résulte plus du goût analysé que de décisions purement arbitraires au préalable
      • Tu donnes la réponse dans ta question haha, si tu pêches sur la réa, la prod des images, bah c’est sans doute ça qu’il faut travailler. Tu t’améliores avec la pratique, no stress.

      Et oui, photographier le banal c’est plus dur que ce qu’on pense de prime à bord !

  2. Avatar de Elmo
    Elmo

    Tout d’abord un grand merci pour ces articles qui parlent de la photographie et ne se réduisent pas à de stériles et réducteurs comparatifs techniques.

    Pour en revenir à la composition, je pense que c’est aussi une affaire de culture et d’éducation. Ce que nous trouvons beau, bien et bon ne le sera pas forcément ailleurs, ou inversement (faisons le parallèle avec la cuisine où il nous semble impensable voire abjecte de manger certains produits n’entrant pas dans notre classification de la « bonne » nourriture et qui pourtant sont des mets très appréciés par d’autres). Nous sommes ainsi influencés et plus ou moins formatés par tout ce que l’on a vu et ce que l’on nous a inculqué (la « bonne » composition, la lumière comme-ci mais pas comme-ça, Ouh ! le vilain contre-jour tellement amateur !). Des lignes directrices se sont ainsi imprimées en nous et demeurent plus ou moins conscientes et orientent nos productions. Difficile de s’en extraire totalement.

    Une chose que j’adore faire, c’est confier un appareil photo à un enfant avec le minimum d’explications techniques, pas de bla bla sur les sacro-saintes règles d’or de la composition et je le laisse capter librement. Souvent, le résultat bouscule. Ce n’est pas de l’enchantement mièvre face à ses réalisations innocentes. Il y a dans ces captations (qui ne visent pas encore à « faire du beau », « faire plaisir à », ou « faire mieux que ») quelque chose de véritablement personnel, une spontanéité sauvage, riche et qui fait bouger les cadres. Cet exercice n’est pas une fin en soi, on ne cherche pas à faire œuvre, mais ça amène l’enfant à développer son propre regard et nous, adultes, à réfléchir sur nos points de vue et nos postures plus ou moins ancrées. Et dans le meilleur des cas, à nous affranchir de certaines règles limitantes.

  3. Avatar de Cedric

    Il m’a fallu des années pour commencer à gérer la Composition, vaste sujet et article très interressant.
    merci

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Content que ça t’ait plu ! Sujet sans fin oui !

  4. Avatar de gérard Barré

    PS : je ne porte que des chemisettes ; vives et très colorées de préférences. Pas l’ idéal pour passer inaperçu…, mais c’ est mon gage de franchise vis à vis de l’ autre photographié.

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Je ne vois pas où serait le manque de franchise sans 🙂

      1. Avatar de gérard Barré

        Sans chemisette ? Je vais essayer !

  5. Avatar de Gérard Barré

    Bonjour, j’ ai personnellement résolu une grande partie des problèmes de cadrage en utilisant un zoom trans-standard très court (24-64), tout manuel, évidemment, pour un ajustement quasi instantané des éléments constitutifs de la composition. De là à croire que la maîtrise est parfaite, surement pas…! Et probablement au contraire ; il faut inclure/exclure en une fraction de seconde, choisir la couleur ou le geste (ou les deux…), les lignes et/ou les masses, déclencher dans un moment d’ impulsion tétanisatrice, et sentir qu’ on tient quelque chose, même si on ne sait pas vraiment quoi. Il n’ est pas rare que je mette plusieurs jours pour sortir la carte SD, toujours un moment assez palpitant… Surtout celui de jeter, jeter encore, avec de moins en moins de regret. Aussi je ne comprend pas trop pourquoi Winogrand ne développait pas systématiquement tout. A moins que comptait plus l’ acte que l’ image ; c’ est bien possible au vu de son attitude en prise de vue : éberlué, comme hors de lui, en frénésie cathartique. C’ est vrai que la photo dite de rue est celle qui vous engage au plus profond de votre relation au monde, au gens, vous fait tout à coup si fortement vivant qu’ il ne peut être question d’ imaginer que les couchers de soleil, les fleurettes et les p’ tits zoziaux procurent de semblables sensations…
    Je ne sais rien faire d’ autre que de m’ y préparer ; et quand je sais que les circonstances vont s’ y prêter, monte l’ adrénaline. Rien ne vaut celà…

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Il ne les développait pas, peut être pour des questions de budget aussi.
      En se disant qu’il ferait ça plus tard. Je n’ai pas vraiment la réponse.

      1. Avatar de gérard Barré

        Non, je ne crois pas à des souci de budget ; l’ analogique ne coûte quasiment rien à tirer. Comme je le disais je pense que son désespoir profond se nourrissait plutôt de la capture du monde l’ entourant dont il se sentait exclu. C’ est chaque fois un appel au secours dont le développement , dans la solitude de la chambre (noire…) prolonge l’ angoisse de regarder les gens, surtout les femmes, et en cherchant leur regard, se sentir si étranger. Un homme terriblement malheureux.

        1. Avatar de Thomas Hammoudi

          C’est un interprétation de votre part. Avez-vous lu une biographie ou vu une interview qui irait dans ce sens ?

          1. Avatar de gérard Barré

            Oui, par exemple un article d’ un journaliste du monde lors de l’ expo de 2014 (24 décembre), titré  » l’ homme qui aimait regarder les femmes » signé du pseudo Lunettes rouges. Très intéressant.
            Je ne peux vous mettre le lien direct sur votre blog, mais vous le fournirais facilement par mail : gbarr566@gmail.com.
            ou bien sur ma page Facebook à l’ instant (Gérard Barré -Photogravie).

          2. Avatar de Thomas Hammoudi

            https://www.lemonde.fr/blog/lunettesrouges/2014/12/24/lhomme-qui-aimait-regarder-les-femmes-garry-winogrand/

            Toutes ses photos de femmes ou presque sont tragiques. Non pas tristes (celle bien connue de l’écervelée en robe blanche éclatant de rire, entre un mannequin sans tête et une glace sans boule, semble joyeuse, mais le reflet de la tête de Winogrand dans la glace nous ramènerait aussitôt de la comédie vers le drame)

            Ce level de misogynisme. L’article est extrêmement subjectif, à prendre avec des pincettes.

  6. Avatar de Draz

    Hello Thomas, bravo pour le travail effectué c’est juste une mine d’information, merci beaucoup !
    Au sujet de la photo de Paolo Pellegrin, je suis d’accord avec toi que le sujet principal est au centre, mais par contre mon analyse de la composition en est différente de la tienne. Selon mon avis (qui vaut ce qu’il vaut hein ^^) la règle des tiers est plus ou moins bien respectée. Dans cette image on a clairement 3 bandes verticales délimitées, par le pan de mur au tiers gauche, et la fin de la fumée au au tiers droit. Horizontalement, il y a effectivement une lecture qui divise l’image en 2 comme tu l’as dit, mais aussi une autre façon de voir l’image qui la divise en 3. (Si je pouvais poster une image on gagnerai des lignes d’écriture ^^) En gros les personnes qui ont la tête vers le bas définissent le tiers inférieur, et l’espace vide au dessus des têtes le tiers supérieur. Je ne suis pas un de ces défenseurs des sacro-saintes règles qu’il faudrait appliquer à tout va, mais je trouve juste que dans cet exemple, au final, elle est quand même bien présente. Mais c’est juste histoire de pinailler 😉

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Hahahaha cette passion pour les règles. xD

      1. Avatar de Draz

        Plutôt une passion pour l’analyse 😉

        1. Avatar de Thomas Hammoudi

          Je prépare un article sur ça. Mais y’a déjà une vidéo. C’est complètement biaisé, si tu cherches tu trouves toujours une « règle » à appliquer.

          1. Avatar de Draz

            Yeah un scoop ! Hâte de lire cet article !
            Pour le reste on est bien d’accord 😉

  7. Avatar de bernard Millot

    Je préfère parler de « moyens de composition » plutôt que de « règles de composition ». Le photographe a ainsi une boite à outils dans laquelle il prend ce dont il a besoin, qu’il soit artiste ou artisan, pour en faire ce qu’il veut. Plus question « d’oublier les règles pour mieux les appliquer ensuite ». Ce qui n’a pas grand sens. Plus question d’obligation et de jugement notions sous entendues par le mot « règles ». ( Dans la boite il y a cependant des lois – les mécanismes physiologiques de la perception – qu’on ne peut guerre ignorer.)

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Oui, bonne idée, ça marche bien comme ça 🙂

  8. Avatar de Lionel

    Merci Thomas pour ce bel article.
    Pour dépasser la règle des tiers, j’ai découvert la symétrie dynamique l’an dernier, présentée ici : https://www.youtube.com/watch?v=mjABoGerddo. Il y a d’autres vidéo et un bouquin. Ça trouve ses sources dans la peinture classique. Ça peut paraître compliqué de prime abord, mais c’est assez fun à la pratique.

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Tiens je suis curieux, je regarderai ça merci 🙂

  9. Avatar de Line
    Line

    Juste une question… le Noir et Blanc, le passé sûrement mais surtout, plus puissante, l’intemporalité ?
    Je découvre depuis peu votre blog, passionnant ! Merci !

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Ha oui clairement c’est surtout visible dans la photographie de Gabriele Basilico.

      🙂

  10. Avatar de GAUTHIER
    GAUTHIER

    Bonjour Thomas
    Je viens de lire une nouvelle fois cet article car personnellement je crois toujours que le cadrage reste la chose la plus importante pour l’impact d’une photographie. Le recadrage de mes photos sur le PC m’a paradoxalement fait faire beaucoup de progrès lors de la prise de vue car mes choix d’inclure ou d’exclure du cadre se font beaucoup plus rapidement. Dans certains cas si je n’ai pas le temps de choisir je sais déjà ce qui sera supprimé lors de l’édition.
    Par contre je ne comprends pas vos aversions à la chemisette que je préfère de loin aux tee-shirt !!! Mais sachons détester malin !!

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Moi je vote polo mais bon… Haha.
      D’accord pour le cadrage, après, je ne sais pas si c’est le plus important. C’est un tout.

  11. Avatar de y@nn
    y@nn

    Merci pour cet article plus « léger » que certains – non je n’ai pas cité le dernier entretien avec Aurélien Pierre 😀 .
    ça reste compliqué pour moi cette histoire. Parce que j’ai toujours du mal à faire par moi même. J’ai besoin de quelqu’un qui me monter, m’explique pas à pas. C’est comme ça, je n’y peux rien. Et devant les photos que j’essaye « d’analyser », je n’arrive jamais à me poser des questions pertinentes. Dans cet article, je trouve quelques pistes, quelques questions que je pourrais réemployer 🙂
    Et sinon, recadrer ses photos après la prise de vue oui bien sûr. Je le fais et j’en tire des choses intéressantes; Mais aussi parfois j’ai raté des photos alors que si j’avais fait attention à ma composition avant… (j’en tire aussi quelque chose : une bonne leçon!).

    Enfin, merci pour cet ultime clin d’oeil à notre ami Blaise. Je porte aussi des chemisettes (j’en ai une sur le dos présentement) mais ça doit être le seul point commun qu’on partage lui et moi!

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Haha, MORT AUX CHEMISETTES !
      Content que le billet t’ait été utile pour le reste 😉

      1. Avatar de TRaz
        TRaz

        Juste pour rire . il y a un lapsus rigolo dans le commentaire : « J’ai besoin de quelqu’un qui me monte(r) ».
        Sinon article bien fait mais ce n’est pas nouveau.
        PS : Perso j’ai toujours porté des chemisettes et j’en porterai toujours, tant pis pour la mode. la discipline commence par une chemisette bien repassée disait-on et il fut un temps où la discipline était une valeur cultivée.

  12. Avatar de Yves3464
    Yves3464

    Merci pour ce nouvel article et le rappel artisan-artiste. Toujours instructif pour le dilettante que je suis et qui cherche encore sa voie. Je cherche a être un bon généraliste plutôt qu’un piètre spécialiste. Je prend du plaisir, c’est le plus important et quelquefois ça marche : certaines images sont appréciées.
    Abonné depuis quelques mois, j’aime le ton de vos articles. Continuez !

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Je cherche a être un bon généraliste plutôt qu’un piètre spécialiste.

      J’aurais tendance à vous conseiller l’inverse, on a assez de photographes touche à tout, allez vers ce qui vous plaît !
      Merci pour vos encouragements 🙂

  13. Avatar de procureur
    procureur

    Mais s’il se dit « ça à l’air intéressant », c’est qu’il a déjà fait un travail en amont, et que son cerveau marche beaucoup plus vite que son obturateur

  14. Avatar de procureur
    procureur

    Peut-être bien qu’une image se construit comme une phrase : l’auteur choisit d’abord des termes qui vont cohabiter et ce choix est bien sûr déterminant ; ainsi dans la photo qui fait couverture du livre, Winogrand a choisi le rouge, mais peut-être avait-il croisé auparavant des passants verts ou bleus qui l’avaient laissé insatisfait. Choisis les mots, encore faut-il leur donner une place, plus qu’une ordonnance logique (qui répondrait aux « règles » en photo), où placer le sujet et le verbe ? Seront-ils les initiateurs du mouvement ou ses victimes. Ici, le choix est clair : le sujet est central et il est le seul à venir vers nous, mouvement affirmé, le reste n’est qu’une grisaille qui tourne le dos.
    Mais le choix aurait bien pu être complètement différent, la foule grise de face et le sujet rouge de dos, au loin, c’était exprimer la différence, le rejet, l’anomalie ; Une autre photo, un autre discours.
    Les mots choisis sont les éléments qui ont droit d’entrer dans le cadre, leur place est ce qui donnera un sens ; combien de temps Apollinaire a-t-il « planché » sur ce vers, je n’en sais rien, mais pour sûr il a été pesé au trébuchet :
    « Je n’ai plus même pitié de moi », l’adverbe en clef de voûte, « je » et « moi » rejetés comme de peu de chose, image cruelle du désespoir, construite à l’inverse du « Cri » de Klimt, mais sens identique.
    Mais bien entendu ceci ne concerne qu’un certain type de photos, celui où le photographe « s’exporte » au monde, on ne peut pas demander la même chose à la repro, au packshot ou la photo immobilière, de même que l’on ne demande pas au Guide du Routard de décrire la grotte de Fingal façon Jules Verne dans «Le Rayon Vert : chacun sa syntaxe.

    PS : je porte des chemisettes (et si on m’énerve, je mets des hawaiiennes)

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Oui, c’est possible, mais à mon sens ce raisonnement s’appliquerait plus à de la photographie posée (paysage, studio, & cie), Winogrand avait peu de temps pour se poser ce genre de questions.
      « Oh ça ça à l’air intéressant, clic, clac, c’est dans la boite ! »

      1. Avatar de gérard Barré

        Misogyne ? Certainement pas. Ce portrait de femme épanouie s’ esclaffant, et son propre reflet sur un mannequin masculin, sans tête, disent au contraire sa position face au mystère féminin dont il est exclu. Marié trois fois, chaque fois quitté ; y a comme un défaut là… Le plus bluffant, qui permet d’ affirmer absolument qu’ il n’ était pas mysogine est ce cliché qui regroupe, ensemble, ses trois femmes, vers la fin de sa vie. Vous connaissez cette image ?

        1. Avatar de Thomas Hammoudi

          Je ne parle pas de Winogrand mais de l’auteur de l’article. Il décrit la femme comme écervelée sans aucun élément allant dans ce sens.

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