Le photographe Frank Horvat, qui s’était illustré dans la photographie de mode dès les années 1960, s’est éteint à l’âge de 92 ans à Boulogne-Billancourt, là où il résidait depuis plusieurs années. En noir et blanc ou en couleurs, il a, tout au long de sa carrière, saisi les plissés du vêtement, les sourires en coin, les jeux d’ombre, les mines grises, les gestuelles prises sur le vif, l’élégance innée et celle travaillée.
Les débuts : des timbres-poste au Kodak Retinamat
Frank Horvat naît en 1928 à Abbazia en Italie, aujourd’hui territoire croate. Sa famille d’origine juive, fuyant le fascisme, s’installe successivement en Suisse, en Italie, au Pakistan, en Inde, en Angleterre et en France. À quinze ans, sa passion pour le médium photographique débute et il troque sa « collection de timbres-poste contre une caméra Retinamat de 35 mm ». De 1947, il intègre l’Académie de Brera où il étudie l’art. Un de ses premiers emplois, dans une entreprise de publicité, lui permet d’acquérir un appareil Rolleicord. Ainsi muni, il se lance en tant que free-lance pour des magazines italiens.
Cartier-Bresson : une rencontre décisive
En 1950, Frank Horvat rencontre Robert Capa et Henri Cartier-Bresson. Au contact du photojournaliste français, il adopte le Leica, appareil réputé pour sa légèreté et sa maniabilité, et entreprend ses premiers voyages en Asie, en tant que photoreporter. Son revirement professionnel vers le secteur de la mode entraînera une certaine désapprobation de la part du photographe français. Les photographies d’Horvat, même celles de mode, témoignent de son attachement au processus de capture de « l’instant décisif », si cher à Cartier-Bresson.
En 1955, il s’installe à Paris, ville qu’il ne quittera plus. Devenu photographe de mode en 1957, sa vie s’organise entre Paris, New York et Londres, au rythme effréné des collections de mode. Il travaille pour divers magazines internationaux parmi lesquels « Elle », « Vogue », « Glamour » et « Harper’s Bazar ».
Hommage à Frank Horvat (1928-2020) https://t.co/bu5ykEeBPP
Il était venu parler avec les étudiants de l'IFM en mars 2012 : https://t.co/5kfn0OKLw6 #photographie #photography #FrankHorvat (2/2) pic.twitter.com/Ys9ELuxL3U— IfmParis (@IfmParis) October 21, 2020
Des entrevues signées Frank Horvat
Souffrant d’une douleur aux yeux, Frank Horvat délaisse un temps la photographie pour l’écriture. De 1986 à 1987, il réalise des recueils d’entretiens avec des photographes reconnus : Édouard Boubat, Robert Doisneau, Mario Giacomelli, Josef Koudelka, Don McCullin, Sarah Moon, Helmut Newton passerons par son cabinet et sous sa plume. Ces Entre Vues sont publiées aux éditions Nathan.
De retour à la photographie, il développe de multiples projets, de 1990 à 1998, alliant son attrait pour la mode mais aussi pour la peinture classique et l’histoire de l’art : Mythologies, Sculpture by Degas, Bestiarium, History of Fashion au Musée Galliera. Outre son activité d’auteur, il se consacre à une série de photographies sur son quartier de Boulogne-Billancourt intitulées Walk around Boulogne-Billancourt, capturant les détails architecturaux et la vie du quotidien.
Une production photographique mise en lumière
L’œuvre photographique d’Horvat a fait l’objet d’exposition dès les années 1950. En 1955, il compte parmi les artistes invités de l’exposition « Family of Man » au Museum of Modern Art de New York, et son édition parisienne au Musée National d’Art Moderne en 1956. Un film, réalisé par Arte, lui est consacré en 2000. La même année, le musée Maillol lui consacre une exposition. En 2006, l’espace Landowski, à Boulogne, réalise une rétrospective de son travail. Jusqu’au début du mois d’octobre 2020, sa série Vraies Semblances, où ses portraits de femmes font écho aux grandes figures de la peinture classique, était mise à l’honneur à la galerie Lelong. Son dernier ouvrage, Side Walk, consacré à ces photographies colorées du New York des années 1980, est paru ce mois-ci aux éditions Xavier Barral.