Andres Serrano à Avignon : God save the art !

Selon Andres Serrano, le pape François est "un pape éclairé, capable d'apprécier mon travail".

Selon Andres Serrano, le pape François est "un pape éclairé, capable d'apprécier mon travail".

Photo Jérôme Rey

Avignon

La Collection Lambert présente une rétrospective de 203 clichés du New-Yorkais. Rencontre.

The man in black. C'est la première vision d'approche. Mais sans lunettes noires et gros calibre. C'est au contraire un large sourire et une franche poignée de mains que le yankee vous offre. Une rencontre avec Andres Serrano, c'est une pause de douceur ouatée, un flot de paroles maîtrisées à l'attention de l'interlocuteur qui a du mal à tricoter avec la langue de Shakespeare.

Rien à voir donc avec la réputation sulfureuse que le photographe américain traîne dans son sillage depuis plusieurs années. En France, et encore plus à Avignon, on se souvient, de l'affaire Piss Christ, en avril 2011, du nom de ce cliché exposé à la Collection Lambert, jugé blasphématoire et vandalisé à coups de marteau. "Même si il y avait eu un précédent en 1997 à Melbourne, j'étais sidéré", se souvient l'artiste.

"J'ai une réputation exagérée"

L'homme se défend de jouer de la provocation et a en horreur le blasphème, l'art sans jugement est sa doctrine. "J'ai une réputation exagérée, j'essaie juste d'être le plus honnête possible et de retranscrire ce que je ressens" confie-t-il. Et ne jamais travestir la réalité.

"J'utilise la photographie comme un peintre utilise sa toile", confie celui qui voue une véritable admiration pour les grands maîtres du passé, comme Velasquez, Goya ou Géricault. Du présent, il a fait un trait sur l'Iphone ou le numérique, préférant son Mamiya RB 67.

Des modèles cadrés au plus près 

Ses contemporains, gens ordinaires ou personnalités, il les cadre au plus près, traquant leur part profonde d'humanité, sans environnement pollueur. Comme dans sa série, "America", entamée au lendemain du 11 septembre 2001, galerie de portraits d'une Amérique aux multiples visages. Toujours sous le prisme de la bienveillance.

Bien sûr, la religion est la grande affaire de sa vie. De père hondurien et de mère cubaine, son éducation se fit sous le sceau de la foi catholique. Il se revendique "artiste religieux" et a même transformé son appartement de Manhattan en église élisabéthaine. Un de ses rêves, faire de l'art sacré pour le Vatican, avouant son sincère attachement pour le pape François, "un pape éclairé capable d'apprécier mon travail".

42 portraits de sociétaires de la Comédie Française

En cette année 2016, Andres Serrano est donc de retour dans la cité papale de la terre de France. La collection Lambert, c'est un peu sa seconde maison. En 2006, il présentait "La part maudite", sa première exposition monographique en France et en 2011 sa première rétrospective. Yvon Lambert-Andres Serrano, c'est une affinité artistique tissée dès 1991. Le galeriste fut le premier à exposer le photographe (avec près de 200 oeuvres, la Collection possède le plus grand fonds de cet artiste, ndlr).

Alors quand, en 2007, Yvon Lambert lui demanda de réaliser les portraits des sociétaires de la Comédie Française (tradition perdue depuis un demi-siècle et le temps des studios Harcourt), Serrano se prêta, "with great honnor", à ce jeu des expressions : 42 portraits saisissants de vérité sans fard. Où l'on retrouve Éric Ruf (devenu depuis administrateur de la Maison de Molière), ou encore Denis Podalydès, Guillaume Galienne (petit percutage d'actu, les deux seront dans la Cour d'Honneur en juillet prochain).

La Collection Lambert met donc à nouveau en lumière le travail d'un de ses artistes phare, avec cette nouvelle rétrospective, "Ainsi soit-il" qui présente plusieurs séries. À voir jusqu'au 12 juin, et sans se faire prier.

Une rencontre publique avec l'artiste est prévue aujourd'hui à l'auditorium de la Collection Lambert, à 19h.