Le patron des Rencontres d'Arles, François Hébel, veut quitter le festival international de photographie, qu'il dirige demuis 2001. Confronté aux ambitions de la fondation Luma, qui va installer un grand complexe culturel sur le parc des ateliers SNCF à Arles, lieu traditionnellement utilisé l'été par le festival, François Hébel a tenté de proposer aux pouvoirs publics un contre-projet visant à pérenniser la manifestation, en vain. Dans une lettre de cinq pages adressée à Jean-Noel Jeanneney, président du festival international de photographie, et que Le Monde a pu consulter, François Hébel explique les raisons de son départ.
Il met d'abord en avant les réussites de son mandat : un budget en hausse, en partie grâce à la venue de sponsors, un nombre d'expositions démultiplié et un public en augmentation (96 000 visiteurs en 2013, un record). « Les Rencontres sont désormais reconnues comme un événement (…) unique sur la planète de la photographie : la semaine d'ouverture est devenu le Cannes de la photographie, en toute indépendance par rapport au marché de l'art », écrit-il.
A la suite d'une réunion tenue le 22 octobre au Ministère de la Culture autour de l'avenir des Rencontres d'Arles, le directeur du festival s'est vu signifier que son projet de développement du festival n'était pas accepté, et considère ne pas pouvoir travailler dans les conditions proposées. « Les ateliers seront bel et bien vendus entièrement à la fondation Luma, aux conditions de celle-ci, sans aucune assurance sur le long terme pour l'accueil des Rencontres, et il nous est dit que le développement proposé, notamment la partie des stages, n'était pas souhaitées. »
RESSENTIMENT ENVERS LA FONDATION LUMA
Il ne se satisfait pas des propositions de relocalisation suggérées par la Ville d'Arles pour les futures éditions du festival : « Des solutions temporaires pour ''abriter'' les Rencontres ont été proposées, mais les budgets nécessaires ne sont pas mobilisés. » Il estime que « au-delà de 2014, les lieux mis à disposition par la puissance publique se réduisent en surface et en qualité ». Pour lui, la situation se résume ainsi : « Moins de lieux d'expositions, moins d'accueil des scolaires, pas d'essor des stages, nulle création d'emploi, une diminution problématique de ceux-ci. » Les conséquences pour le festival ? « Il faudrait réinventer des lieux (…), retourner douze ans en arrière, consacrer une part encore plus grande du budget aux mises en scène. Je crains après 2014 le déclin d'une activité patiemment construite. »
Mais on sent surtout, dans sa lettre, le ressentiment envers la Fondation Luma, sponsor fidèle du festival, avec qui les rapports se sont peu à peu dégradés. Cette dernière a acheté les ateliers SNCF, va y construire un bâtiment dessiné par l'architecte Franck Gehry, et doit y développer un grand projet, avec des expositions, des ateliers, des conférences, entièrement financé sur ses fonds.
Sa fondatrice, la mécène suisse Maja Hoffman, a déclaré vouloir faire une place aux Rencontres, sous conditions – une situation considérée comme insupportable par François Hébel. « J'ai travaillé toute ma carrière avec le soutien et la génération de mécénat d'entreprise. En m'attachant toujours à maintenir une coupe claire entre le programme officiel artistiquement indépendant et la visibilité des contributeurs. Or l'expérience de ces dernières années prouve que de tels rapports ne sont pas possibles avec la fondation Luma. » Il juge qu'il n'est « pas souhaitable » de « précipiter les Rencontres d'Arles dans les bras d'une fondation privée, quelle qu'elle soit ».
Le directeur conclut en proposant un « départ négocié », et se dit « disposé à mener à bien cette édition jusqu'en juillet prochain ».
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