Liu Bolin: l’homme invisible à voir à la MEP

par Sarah Petitbon
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La Maison européenne de la photographie présente une exposition de Liu Bolin dont Polka est partenaire. Sculpteur, performeur, photographe, l'artiste chinois disparaît dans ses images pour mieux faire apparaître les travers de la société chinoise.

Hiding in the City 36, “Unify the Thought to Promote Education More”, 2007
© Liu Bolin / Galerie Paris-Beijing.

Chez certaines espèces animales, se fondre dans le décor est gage de survie. Pour Liu Bolin l’art du camouflage a d’abord été un cri, un acte de résistance.

Le processus de fabrication des images est toujours le même. Vêtu de sa vareuse à col mao, Liu Bolin pose des heures durant dans un décor, pendant que ses assistants le recouvre entièrement de peinture de manière à le faire disparaître, tel un caméléon.

Aux origines de la révolte de ce sculpteur et performeur, aujourd’hui mondialement reconnu, un événement fondateur: la destruction, en 2005, de son atelier par les autorités chinoises. Pékin se prépare alors à accueillir les Jeux Olympiques de 2008. Le village d’artistes de Suo Jia Cun est rasé. Ses occupants en sont expropriés.

 

Hiding in the City 107, “Family Photo”, 2012.
© Liu Bolin / Galerie Paris-Beijing.
Hiding in the City 99, “Three Goddesses”, 2012.
© Liu Bolin / Galerie Paris-Beijing.

Liu Bolin n’a que 22 ans et déjà derrière lui, un brillant parcours d’étudiant à l’Académie centrale des Beaux-arts de Beijing. Né en 1973, fils de parents ayant connu la Révolution culturelle, le jeune homme est de cette génération d’artistes chinois qui ont vécu les grands bouleversements économiques et culturels des années 90 et les violences sociales qu’ils ont engendrés.

Anéanti par la perte de son lieu de travail, le jeune artiste décide alors de se fondre dans les décombres de son atelier. Il s’y fait photographier, le haut du corps (visage compris…) bariolé comme la toiture effondrée devant laquelle il pose, les jambes peintes de la couleur des briques disséminées un peu partout autour de lui.

Hiding in the City 02, “Suojia Village”, 2005.
© Liu Bolin / Galerie Paris-Beijing.

Son message? L’individu disparaît au profit d’intérêts qui le dépassent et souvent lui nuisent.

L’image fait date. L’artiste fait de cette performance sa marque de fabrique et entame une longue série intitulée “Hiding in the City” dont une sélection est présentée à la Maison européenne de la photographie.

L’artiste y apparaît dans des paysages variés, urbains ou ruraux, dénonçant pêle-mêle les dégâts écologiques causés par le développement fulgurant de la Chine, les problèmes sociaux que traverse le pays, ses scandales sanitaires et alimentaires, le musellement de la presse par le pouvoir et plus généralement, les affres de nos sociétés de consommation.

 

Hiding in the City, “Paris 11, Meat Factory”, 2013
© Liu Bolin / Galerie Paris-Beijing.
Hiding in the City, “Paris 04, Safe Door”, 2011.
© Liu Bolin / Galerie Paris-Beijing.

Il pose ainsi, les yeux fermés, dans le fleuve jaune pollué, devant des rayonnages colorés de soupes instantanées, dans un abattoir entouré de quartiers de viandes ou face à un mur recouvert de téléphones portables.

L’exposition présente aussi le making of vidéo d’une œuvre réalisée en hommage aux victimes de l’attentat de Charlie Hebdo. L’artiste y pose devant les Unes de l’hebdomadaire satirique.

Cet esprit critique n’empêche pas l’artiste multicarte de s’aventurer, de temps à autre, sur les terrains plus balisés de la publicité. Des marques comme Guerlain, Etam ou Moncler (les doudounes de luxe), pour qui il a réalisé une campagne avec la photographe américaine Annie Leibovitz, ont aussi eu les honneurs de ses performances.

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