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Quel avenir pour Le Château d’Eau ?
Le coup de gueule de Thérèse Pitte

Château d'Eau, Toulouse, 2014 © 9 lives
Temps de lecture estimé : 6mins

Un an après l’annonce de mise en délégation de service public du Château d’Eau, la Mairie de Toulouse a finalement décidé une mise en régie effective depuis le 1er janvier dernier, mettant ainsi à l’écart l’association PACE, qui dirige ce lieu culturel dédié à la photographie depuis 40 ans. L’équipe de salariés a été amputée de la moitié de son effectif. Thérèse Pitte, assistante de direction a jeté l’éponge, elle nous explique pourquoi dans ce texte qu’elle a écrit le 31 décembre.

En cette veille de réveillon, je me sens comme dans une maison vide après le décès d’un membre de ma famille…. il faut dire qu’après 12 ans, 7 mois et 24 jours de bons et loyaux services au Château d’Eau la chute est rude !

Oui j’ai effectivement refusé ce fameux transfert de mon contrat à la Mairie de Toulouse qu’on essayait de me présenter comme une cerise sur un gâteau ! Mais comment accepter d’être « reprise » par une collectivité qui a dénigré le travail effectué par une équipe qui s’est toujours investie dans une mission de service public.
Lorsqu’en décembre 2018, le conseil municipal dirigé par Monsieur Moudenc, accuse le Château d’Eau de mensonges, de mauvaise gestion et de malhonnêteté intellectuelle pour justifier une mise en DSP de la structure, il y a de quoi être plus qu’en colère ! Coup de théâtre, ce projet de DSP fut alors abandonné, suite à l’intervention de l’opposition, dans ce même conseil municipal au profit d’une mise en régie directe.

Un an et 24 jours plus tard la mise en régie sera effective. Que s’est il passé entre temps…. qu’en fut il des salariés investis dans leurs missions, qui s’est soucié au sein de cette équipe municipale de leur travail, de la richesse intellectuelle, patrimoniale, intemporelle de ce haut lieu de la photographie dans le monde ?
Personne….
Nous avons été malmenés par les élus, les SoRH (service de ressources humaines de la culture de la mairie de Toulouse). De rendez-vous en rendez-vous, on nous a menti sur des informations légales que chacun d’entre nous pouvait vérifier en 3mn sur le net ( allez lire l’article L 1224-3 du code du travail…), tout en nous certifiant que cette formidable équipe du Château d’Eau allait être bien mieux avec qu’eux qu’avec ces incapables de l’association PACE !

La réalité, c’est qu’au 1er janvier 6 membres de l’équipe sur 12 quittent le navire. Salaires inférieurs à ceux déjà très bas du milieu associatif (on nous certifie qu’ils sont équivalents mais le système de prime indiciaire des collectivités n’est pas du tout le même que celui du système du droit du travail privé), les grades et les cadres d’emploi des salariés ne sont pas respectés, l’ancienneté n’est pas conservée, les compétences d’une équipe totalement recrutée sur ses qualifications en ce qui concerne la photographie ne sont pas prises en compte ! Au Château d’Eau même la personne qui fait l’entretien des locaux est photographe, car travailler avec des personnes qui s’intéressent à l’activité du lieu rend l’équipe plus cohérente et le travail plus efficient.

À l’heure actuelle, les collections d’œuvres, le fond de la bibliothèque, la librairie sont en souffrance. Personne n’a anticipé ce passage en régie. La mairie, sûre de son bon droit, pensait que tout lui reviendrait et que l’association lui remettrait les clés du palais ! La réalité est toute autre, car la propriété des fonds revient à ceux qui les ont acquis, c’est à dire ceux qui ont oeuvré pour cette institution au service des photographes, de la photographie et de ses publics. Maintenant, leur sort est entre les mains de la justice.

Par le passé la mise en régie a été plusieurs fois demandée par le directeur et ses divers conseils d’administration. Ils ont toujours reçu une fin de non recevoir. Personne au sein de l’équipe actuelle, d’élus ou de fonctionnaires des services culturels, n’a jamais mis l’équipe du Château d’Eau autour d’une table pour discuter, négocier ou formuler aucune proposition… nous n’avons eu que des injonctions à nous soumettre à la volonté municipale. Personne, des services en charge des musées, de la direction au service technique, n’est venu nous interroger sur notre travail au quotidien au sein du lieu afin de mettre en place ce transfert. Les équipes des musées de Toulouse, qu’elles soient administratives, techniques ou artistiques, sont arrivées sur site mi novembre. Soit 1 mois 1/2 avant le passage en régie….

Aujourd’hui, 31 décembre 2019 00h00, soit 24h avant le fameux transfert de ce « futur » phare de la photographie, comme aime à le penser la municipalité sortante de Monsieur Moudenc, le public et les habitués du Château d’Eau, se retrouvent avec un lieu vide, sans programmation, sans date d’ouverture, sans outil de communication, sans histoire, sans mémoire, avec une équipe amputée de moitié…. pourquoi ???

On pourra aisément reprocher à ceux qui partent de ne pas avoir collaboré , mais comment et pourquoi collaborer avec ceux qui nous ont calomniés en nous traitant de malhonnêtes….

Cette affaire du Château d’Eau est symptomatique de la politique pratiquée par cette équipe municipale vis à vis des arts visuels, des artistes, des travailleurs du monde de l’art et des lieux d’arts. Après un mandat, le constat est plus que terrifiant : lieux vendus, lieux fermés, lieux vidés de leurs fonctions et de leurs substances, équipes des lieux d’arts malmenées ou déplacées. Le constat est amer… qu’en est il des volontés des autres candidats à la course au Capitole quant à la politique concernant les arts plastiques et arts visuels ?

Peut-être qu’au fond tout ce petit monde de l’art finira par quitter définitivement la ville rose afin de rejoindre des contrées plus hospitalières et de couler des jours heureux… à moins qu’une volonté publique ne souhaite les retenir en reconnaissant enfin leur valeur ! Faites vos jeux !

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