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Aux Rencontres d'Arles 2017, l'atout people

ARLES EN UN CLICHÉ 2/6 - La star française du cinéma Audrey Tautou crée des bouchons à l'Abbaye de Montmajour. La photographe américaine Annie Leibovitz se glisse incognito dans son expo aux Ateliers. Jane Birkin rend hommage à sa fille Kate Barry, disparue en 2013.

Personne ne résiste au star-system. Ni les purs et durs de la photo qui se réunissent à la moindre halte pour confronter leurs verdicts sur ces Rencontres d'Arles 2017. Ni le public qui, de bon cœur, est prêt à s'agglutiner à midi dans la salle 9 capitulaire de la sublime Abbaye de Montmajour pour entrapercevoir une miette d'Audrey Tautou, 41 ans. Photographe jusque-là anonyme, c'est un menu format gros comme une toute petite fée de Walt Disney. Pour l'écouter plutôt, de sa petite voix flûtée, interrogative et décalée comme celle d'Antoine Doinel chez François Truffaut, répondre à l'avalanche de compliments de Sam Stourdzé, directeur artistique des Rencontres et fan manifeste. Et raconter comment lui est venu l'amour de la photo. Pour la majorité de l'audience, c'est un film sans l'image.

Les plus valeureux ont fait en bus les 5,4 km qui les séparent d'Arles la brûlante et de son cœur historique, berceau déjà magnifique. Les plus intrépides sont venus en 4x4, bravant l'étroitesse des rues de la vieille ville, se garant à l'arraché, en première, perpendiculairement au versant du parking bouillant de chaleur. Tous sont montés religieusement vers cette abbaye bénédictine fondée en 948 et qui devint au Xe siècle une des plus riches de Provence. Le spectacle est grandiose. Les expositions sont dans le monastère du XIIe siècle, vastes cellules blanches aux lourdes portes qui sont l'exacte antithèse d'un léger tirage.

Audrey Tautou y fait un malheur, 550 personnes au compteur entassées autour de la star française aux lunettes noires. Assez peu se détachent du groupe pour venir saluer Sabine Azéma, robe rouge incandescente comme ses cheveux laissés à la diable, comédienne pleine de vie et d'humour qui apporta son charme pointu à «Mélo» d'Alain Resnais en 1986. Le star-system est une machine cannibale.

Mosaïque de portraits Polaroïd sans grâce

En queue de peloton, les curieux examinent la mosaïque de portraits Polaroïd sans grâce particulière qu'Audrey Tautou a faits au fil des ans, des tournages et des interviews. Le journaliste y joue le rôle de l'arroseur arrosé. Elle indique le titre du journal, la radio, la chaîne TV , le lieu et la durée de l'entretien, pas le nom du questionneur. Chacun reconnaîtra les siens. Notre confrère Olivier Delcroix reste d'un sérieux digne de Tom Cruise dans Collatéral pour ne rien perdre des vingt minutes accordées au Figaro en avril 2009 à la sortie de Coco avant Chanel . Notre consœur Marie-Noëlle Tranchant sourit à l'objectif au nom du «Figaroscope», 30 mn, une façon d'adouber le beau film La Délicatesse en novembre 2011.

Le procédé du retour d'image est un classique. L'artiste dissident chinois Ai Weiwei le pratique abondamment. Mais il choisit ses sujets, dans les deux acceptions du terme. Lorsqu'il a reçu la presse française au Bon Marché en janvier 2016, il a ainsi fait des photos numériques de certains journalistes, les plus importants, les plus indulgents ou les plus narcissiques. Puis les a postées sur son compte Instagram (327.000 abonnés et 14.719 «posts» à ce jour). La gloire.

Dans la cellule voisine d' «Amélie Poulain», une princesse au bois dormant, Kate Barry, fille d'artistes retentissants (Jane Birkin et le musicien John Barry) «disparue prématurément à 46 ans en décembre 2013». Scénographie délicate de cet hommage funèbre composé par Diane Dufour (Fondatrice du Bal, le petit sanctuaire photo Place de Clichy) qui joue sur l'absence et le vide, de l'artiste comme de ses thèmes farouchement solitaires. Planches contacts où les photos choisies par la photographe ont été soigneusement découpées y laissant des fenêtres. Petits blocs sans cadres avec les tirages de ces photos alignés en partition musicale sur le mur où la même robe rouge se répète et joue le rôle de la note pleine. Textes littéraires et suaves de l'écrivain Marie Darrieussecq sur cette jeune femme chiffonnée.

Une infinie tristesse se dégage de cette mélancolie qui efface ce protocole quasi monarchique. Rond de forme et carré de verbe, Xavier Barral, éditeur du catalogue et maestro du livre photo, le dit: il n'aime pas le voisinage de son héroïne avec les autoportraits d'Audrey Tautou. En ville, le soir venu, les commentaires des pros de la photo ne sont pas tendres pour Audrey Tautou photographe, rangée d'emblée dans la catégorie «Me, Myself and I». Les hommes sont plus indulgents et font valoir «l'autodérision et donc l'humour et donc la distance et donc le regard».

À l'ombre des remparts, Jane Birkin donne une interview à Arte et son chagrin est tel, dans ses yeux si clairs derrière ses petites lunettes pâles, que personne n'ose l'aborder. Le soir venu, elle marche comme un fantôme dans les rues de la Roquette, le quartier vivant et jeune d'Arles, soutenue par la galeriste de sa fille aînée.

Lou, magnifique clone de sa mère, ouvre la marche d'un pas bondissant. Tous viennent de quitter la fête très privée sur la terrasse du Collatéral, le lieu fou d'art imaginé dans une ancienne église dévastée par deux incendies, ex cabaret, ex magasin de meubles, et reconvertie en maison d'hôtes extraordinaire par Anne-Laurence et Philippe Shiepan, deux Parisiens devenus de vrais Arlésiens. La photographe française Lucille Reyboz et le «light designer» japonais Yusuke Nakanishi, les fondateurs de Kyotographie, jeune festival photo qui met les artistes au cœur des temples, des maisons de thé et des maisons ancestrales de fabricants de kimonos, vont à la rencontre de Jane Birkin, mélange étrange de fragilité et de force.

Le dernier portrait de John Lennon par la «Reine Annie»

La bienveillance l'entoure spontanément comme si elle était notre reine d'Angleterre à nous depuis qu'elle a débarqué en France avec son minois, ses jolies manières, ses minijupes, son cabas et ses charmantes fautes de français. Ils lui racontent «la parenthèse enchantée» que fut la semaine passée entre artistes avec Kate Barry, âme tourmentée et femme douce, lorsqu'elle exposa ses portraits en noir et blanc de stars, famille et autres, pour leur toute première édition de 2013. Un de ses derniers longs voyages où le désespoir ne se montrait pas.

Les stars aiment le paradoxe de l'ombre et de la lumière. À la Grande Halle du Parc des Ateliers, Annie Leibovitz surgit par une porte dérobée au cœur de son exposition qui brasse ses années de jeunesse «sex drugs and rock'n roll» en quelque 3000 photos. Elle est habillée de noir, pantalon et chemise, avec ses habituelles grosses chaussures de marche. Exactement comme dans son atelier du Bronx où elle nous avait reçus en avril dernier.

Une démarche un peu cassée, une crinière blonde, un grand sourire magnifique. Parce qu'elle est américaine et de l'autre côté de la caméra, les visiteurs de ce matin du 5 juillet ne la reconnaissent pas. Ils étaient 860 pour la première moitié de mardi à s'être aventurés au bout des Ateliers pour se plonger dans son monde et tenter de reconnaître les stars noyées dans la masse. Ceux qui ont payé leur pass des Rencontres d'Arles ont dû s'acquitter de 3 euros supplémentaires pour voir le mur des stones et le dernier portrait de John Lennon par la «Reine Annie», portraitiste du tout Hollywood née en 1949 (son vrai prénom est Anna Lou). Elle sera jeudi 6 juillet au soir l'invitée d'honneur au Théâtre antique et cette conférence avec images s'annonce comme l'événement people de la semaine.

Aux Rencontres d'Arles 2017, l'atout people

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