Photo de classe crédit : Réseau Canopé – Musée national de l’Education - 1280 5:04
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Virginie Salmen, édité par Marthe Ronteix , modifié à
Alors qu'il s'agissait avant tout d'être digne et de représenter la valeur de son établissement au 19ème siècle, les photos de classe sont plus originales en 2019. Qu'ils soient à thème ou à grimaces, ces clichés de groupe constituent un complément de budget non négligeable pour les écoles.

Depuis plus d'un siècle et demi, 12 millions d'élèves posent chaque année pour la photo de classe. Mais de la photo sérieuse endimanché à la photo avec la plus belle grimace, le résultat a beaucoup évolué au fil des décennies. La spécialiste éducation d'Europe 1, Virginie Salmen, s'est plongée dans la collection des archives du Musée national de l'Éducation de Rouen, en Normandie.

Des photos avec des grimaces ou un "dress code"

L'atmosphère de la photo de classe, dans la cour de l'école, n'a presque pas changé. "1, 2, 3", compte le photographe. "Ouistiti", répondent en cœur les enfants dans une jolie cour d'école primaire du 19ème siècle, en région parisienne. Une fois la classique photo prise, il y a maintenant d'autres styles de photos plus personnalisées. "Comme vous avez été super sympa, on fait une belle photo grimace", propose le photographe. Il y a aussi des photos déguisés selon différents thèmes, ou encore des photos avec un "dress code". Par exemple, chaque élève doit porter un élément rouge dans sa tenue.

La photo de classe reste parfois le moment de sortir sa plus belle tenue. Certains élèves font de gros efforts tout spécialement pour cette journée si particulière. "Je me suis habillé en costume-cravate parce que la photo de classe, c'est chic", décrit Ryan. "Tous les ans, je mets un costume." "Je me suis fait une coiffure un peu spéciale : une queue de cheval avec des petits cheveux qui s'échappent", raconte Lauryn. "J'ai mis mon jean à paillettes avec T-shirt 'Queen'", explique quant à elle Lila.

>> En 1930, les mines sérieuses et les positions identiques étaient de rigueur : 

Photo de classe 1930 crédit : Réseau Canopé – Musée national de l’Education

La photo de classe comme reflet des évolutions de la société

Pourtant, à l'origine, la photo de classe était beaucoup plus formelle. Il fallait être digne sur la photo alors les élèves étaient habillés de noir et arboraient un air sérieux et sans sourire (voir photo d'illustration). Quand la photo de classe est apparue dans les années 1850-1860, l'idée était surtout de montrer à quel point on était beaux et intelligents. C'était un "outil de communication", pour "vendre" une image idyllique d'une école privée prestigieuse par exemple.

Dans les années 1930, quand les appareils ont pu photographier en intérieur, à la lumière artificielle, on photographiait aussi la salle de sport ou les installations de sciences pour montrer l'excellence de l'établissement. Et un peu plus tard, la photo de classe est aussi devenue une façon de "faire la publicité" de l'instruction du peuple et de l'école républicaine.

Le Musée de l'Éducation, installé à Rouen en Normandie, conserve des dizaines de milliers de photos de classe. Elles sont consultables sur place ou en ligne. Il est possible d'y retrouver les vôtres ou celles de personnes connues. Mais cette collection reflète surtout les courants de la société. "Il y avait des élèves en train de fumer" après 1968, explique Delphine Campagnolle, la directrice du musée. "On les photographie alors qu'ils ont la cigarette à la main, avec leur professeur. Tout le monde a vraiment une attitude détendue, souriante. On sent qu'ils s'amusent. Mai-68 est passé par là et on sent un grand vent de liberté qui arrive aussi dans la photo de classe." 

>> Sur cette photo de 1972, les élèves prennent la pose dans la classe :

photo de classe 1972 : Réseau Canopé – Musée national de l’Education

Un revenu supplémentaire non négligeable pour les écoles

Quant aux fonds récoltés grâce à la photo de classe, ils sont réinvestis dans l'école. "Elle sert à financer les coopératives scolaires", explique Alain Curalucci, le directeur de l'école francilienne qui a accueilli un photographe. "Les directeurs d'écoles récoltent l'argent pour le photographe et nous lui indiquons la somme. L'année dernière, sur l'ensemble des photos scolaires, on a récolté 6.000 euros. On en reverse plus de 4.000 et on garde un tiers de la somme pour la coopérative scolaire. Donc c'est une rentrée d'argent non négligeable pour les écoles."

Cette "coopérative scolaire" est une sorte de caisse supplémentaire alimentée par les dons volontaires des parents en début et en milieu d'année qui bénéficient donc de la vente de ces photos. Et aujourd'hui, la photo de classe est bien plus qu'un simple format A4 sur papier glacé. De nombreux objets dérivés sont proposés aux familles. Et parmi eux, le porte-clés est un best-seller. La vente de ces objets supplémentaires représente environ 30% de recettes en plus, selon Alain Curalucci.

Des logiciels de retouches bien utiles

Comment les photographes font-ils pour que tous les enfants soient à leur avantage ? Ils utilisent la retouche. Les photographes scolaires prennent trois ou quatre clichés de chaque classe, ce qui leur permet ensuite, si un élève ferme les yeux ou qu'un autre se gratte le nez, de prendre leur visage sur une autre image. Et pour garder une mémoire de toutes ces classes qui défilent, le Musée de l'Éducation demande à toutes les écoles de leur envoyer les clichés qui n'ont pas été achetés par les familles, pour enrichir leurs collections.