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«Circulation(s)», la jeune photographie européenne et «le monde de demain»

« Circulation(s) », le festival de la jeune photographie européenne a rouvert ses portes au Centquatre, le centre culturel de Paris. La dixième édition nous offre l’occasion d’interroger l’évolution de la photographie.

Vue de l'exposition Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au Centquatre-Paris.
Vue de l'exposition Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au Centquatre-Paris. © Siegfried Forster / RFI
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Comment peut-on sonder la profondeur de propos ? Par exemple, si l'on confronte les réponses à la réalité trois mois après avoir posées les questions. Pour Circulation(s), le résultat est univoque, même après les bouleversements profonds provoqués par la pandémie de Covid-19 : les images exposées par 45 jeunes photographes de 16 pays européens nous ont inspirées, intriguées et accompagnées avant, pendant et après le confinement.

Marwan Bassiouni, doté d’identités multiples, nous a appris à changer notre vision du monde en regardant l’extérieur à partir de l’intérieur, à travers des fenêtres de 70 mosquées. En pleine épidémie du coronavirus, l’imagerie de la mort du photographe biélorusse Ihar Hancharuk nous a rappelés le souvenir de Tchernobyl et l’abus politique face aux dangers invisibles. Et la maladie imaginaire et mortelle évoquée par l’œuvre White Rabbit Fever, de l’artiste finnoise MaijaTammi, dans la section « Le monde de demain », fait rigoureusement écho aux vœux du « monde d’après », provoqués par la fin du confinement. Entretien croisé avec Audrey Hoareau, directrice artistique de l’édition 2020, et Clara Chalou, coordinatrice générale du Festival Circulation(s).

RFI : La 10e édition de Circulation(s) présente 45 artistes, mais n’a pas de véritable fil rouge. Quel est le concept ?

Audrey Hoareau : On a des thématiques qui émergent et on a voulu regrouper les artistes avec des questionnements similaires qui pouvaient les rassembler. Donc, on a des travaux qui portent plus sur l’intime, sur des recherches sur soi, ses origines, des quêtes au niveau de l’identité. On a des approches beaucoup plus formelles et qui développent la photographie même presque au niveau sculptural. Aujourd’hui, on l’aborde de manière extrêmement vaste et comme un objet. On a des questionnements vraiment sociales et engagées au niveau politique.

En dix ans, vous avez exposé les images de 382 artistes et accueilli 300 000 visiteurs. Qu’est-ce qui a changé entre la première et la dixième édition de Circulation(s) ?

Clara Chalou : Pour cette dixième édition, on s’est replongé dans toutes les archives. On voit comment cette notion d’artiste-photographe a évolué et aussi cette frontière entre la photographie et l’art contemporain. Il y a dix ans - surtout dans les scénographies, dans la manière de présenter les images – on était vraiment sur la photographie pure. Aujourd’hui, il y a des photographies qui sortent du mur, il y a un travail sur l’archive, de tous les médiums différents. Pour moi, c’est ça, la grande évolution de ces derniers dix ans. Cette évolution de la photographie sur les murs, hors les murs, et de le penser en installation.

Vue de l'exposition Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au Centquatre-Paris.
Vue de l'exposition Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au Centquatre-Paris. © Siegfried Forster / RFI

Comment réagissent les photographes au monde ? Comment voient-ils « le monde de demain » ?

Audrey Hoareau : Il peut y avoir une forme d’inquiétude dans l’anticipation, dans la projection. Et puis des envies de faire prendre conscience. Par exemple, Felix von der Osten essaie de nous faire prendre conscience de la surproduction de viande de porc au Danemark, avec des images et une enquête visuelle plutôt trash et provocatrice. Un sujet très pointu qui, en même temps, peut nous faire réfléchir à notre façon de nous nourrir et à notre façon de nous considérer l’animal.

Qu'est-ce qui est devenu la génération des photographes de la première édition ?

Clara Chalou : Nombreux d'entre eux sont devenus des photographes professionnels. Quand on a démarré, c’étaient vraiment des tout jeunes artistes. Maïa Flore faisait l’affiche de la première édition. Aujourd’hui, elle travaille à San Francisco, a été représenté par l’agence VU, travaille à la galerie Esther Woerdehoff... On en est très fier, parce qu’on continue à suivre nos artistes. Julien Taylor, qu’on a exposé dès la première année, nous a fait une exposition in situ pour ce dixième anniversaire.

Vue de l'exposition Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au Centquatre-Paris.
Vue de l'exposition Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au Centquatre-Paris. © Siegfried Forster / RFI

Circulation(s) est aussi un laboratoire. Quelles sont les nouvelles formes photographiques et artistiques ?

Audrey Hoareau : La forme est aujourd’hui essentielle. Ici, on expérimente, on teste, on est vraiment dans le dialogue avec les artistes pour arriver à ces expériences visuelles. Par exemple, dans la section Ceux que l’on ne voit pas, l’Ukrainien Anton Shebetko a recouvert le mur avec cinq couches de tirages qu’il est venu ensuite détruire. C’est aussi cela l’image et le travail autour de la photographie aujourd’hui. C’est la montrer, la détruire, la déchirer, la combiner, l’associer... C’est vraiment tout ce travail de fond sur la forme.

L’idée d’origine était aussi de créer un festival européen. Dix ans après, cela a-t-il fait ses preuves ?

Clara Chalou : Oui, sur cette édition, on a 16 nationalités différentes représentées. Pour nous, c’est important de faire un état des lieux de ce qui se passe en photographie sur un territoire global. Cela serait trop de se restreindre de se concentrer sur un seul pays, par exemple. C’est un festival unique. Et puis, on était vraiment dans les tous premiers à défendre l’émergence photographique, de suivre les artistes, de les pousser et d’accompagner la jeune création qui nous définit.

On a une dynamique et une manière de fonctionner très particulière, parce qu’on est un collectif. Beaucoup de personnes dans l’association sont bénévoles. Du coup, on porte un projet dans une manière très horizontale. On n’a pas de direction. On a une direction artistique, mais on n’a pas de direction au sein du festival. Moi, je suis la coordinatrice, donc j’englobe, mais je ne dirige pas. Et cela fait cette ambiance dynamique, cela crée des projets, c’est ce qui fait qu’on est assez unique.

Vue de l'exposition Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au Centquatre-Paris.
Vue de l'exposition Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au Centquatre-Paris. © Siegfried Forster / RFI

► Circulation(s), la dixième édition a été prolongé jusqu’au 26 juillet, sur place au Centquatre-Paris, mais aussi enbalade online.

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