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Les photographes dans l'expectative face à Meero

A Visa pour l'Image, la start-up s'est attiré les foudres de la profession à la suite de sa levée de fonds. Mais Meero risque-t-elle vraiment de se retrouver dans une situation comparable à celle d'Uber ? Voici les quatre questions en débat.

Meero emploie 700 personnes dans le monde. Ici, son siège parisien.
Meero emploie 700 personnes dans le monde. Ici, son siège parisien. (Photo Romain Gaillard/REA)
Publié le 11 sept. 2019 à 06:23Mis à jour le 11 sept. 2019 à 15:15

Entourée de photojournalistes, l'équipe de Meero était en terrain miné à Visa pour l'image, le festival international du photojournalisme qui se déroule en ce moment à Perpignan. Depuis l'annonce de sa levée de fonds de 205 millions d'euros, la start-up qui met en relation des entreprises et des photographes a provoqué une levée de boucliers dans la profession, dont de nombreux membres ont posé le boîtier et pris la plume pour exprimer leurs craintes. Lors du festival, le directeur de la photo de Meero Maxime Riché a participé à une table ronde intitulée « Meero, point sur un modèle qui divise », pour essayer d'apaiser le débat.

La profession pourrait-elle se retourner contre la start-up ?

Les photographes ne sont pas les chauffeurs de taxi et ils auraient du mal à provoquer un mouvement semblable à celui contre Uber. La profession est très peu structurée, à l'exception de quelques fédérations comme l'UPP (Union des photographes professionnels) et la SAIF (Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe). Meero a par ailleurs, durant ces mois d'été, tâché de soigner ses relations. « Nous sommes en discussion ouverte avec eux, indique Philippe Bachelier, président de l'UPP. Ce qu'ils proposent aujourd'hui, c'est du travail d'opérateur, pas de la photo d'auteur. Le danger serait qu'ils s'attaquent à des marchés comme la presse par exemple, ou qu'ils proposent des missions à la chaîne, qui reviendraient à du salariat déguisé. »

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Plus que des reproches concrets, la profession exprime ainsi pour le moment des peurs, notamment dues à la position monopolistique que pourrait prendre la start-up grâce aux fonds qu'elle a levés, et malgré la présence d'autres acteurs comme Ocus (ex-OuiFlash). Aucun mouvement massif n'est envisagé contre la jeune entreprise. Les protestations semblent par ailleurs concentrées en France, berceau de la photographie, alors que Meero opère aujourd'hui dans une centaine de pays.

Quelle est la valeur d'une image ?

Facilement générée avec un smartphone et omniprésente en ligne, l'image a vécu avec l'arrivée du numérique un véritable changement de paradigme. Au sein même de la profession, on se demande si toutes les images ont la même valeur, en d'autres termes « si une photo de salle de bains destinée à un site web a vraiment la même valeur qu'une photo d'auteur », questionne un directeur de collectif.

Interrogé sur ses tarifs, le fondateur de Meero Thomas Rebaud insiste sur le fait que sa plate-forme « libère » les photographes de tâches comme la postproduction, la comptabilité ou la recherche de clients. « Il faut réfléchir en tarifs horaires, et non à la prestation », encourage-t-il. « Aujourd'hui, en Europe, une prise de vue culinaire est rémunérée entre 60 et 90 euros l'heure », indique Maxime Riché. Et Antoine Doyen, photographe auteur de rétorquer que « l'on ne peut pas vivre de cela si on prend en compte notamment l'amortissement du matériel ».

Quid du droit d'auteur ?

Autre sujet de préoccupation : le droit d'auteur. A ce jour, les photographes travaillant pour Meero n'en perçoivent pas. Selon Joëlle Verbrugge, avocate pratiquant le droit de la photographie : « Le principe, dans la loi, c'est la reconnaissance du droit d'auteur, explique-t-elle. Mais Meero s'arrange pour donner suffisamment de contraintes techniques aux photographes pour qu'ils ne puissent pas démontrer l'originalité de leur oeuvre ». Chez la start-up, on répond que ces contraintes sont nécessaires pour assurer une certaine homogénéité, et que l'on travaille en ce moment sur la question du droit d'auteur.

Sur quels marchés Meero compte-t-il se développer ?

Si les photographes sont encore dans l'expectative vis-à-vis de Meero, c'est que la start-up n'a pour le moment abordé que des secteurs peu considérés par les photographes auteurs, comme l'immobilier ou le culinaire. « Ce sont des marchés que nous avons créés, car les photographes n'auraient pas eu accès à Deliveroo par exemple, donc nous ne prenons la place de personne », assure Thomas Rebaud. Et le fondateur de la start-up d'assurer que Meero « n'ira jamais sur de la pure création, de la mode ou de la pub par exemple »

Il est cependant des secteurs sur lesquels les auteurs et Meero pourraient rapidement se croiser, comme la photo d'entreprise, ou le mariage, où la start-up a décidé de se lancer d'ici la fin de l'année. « Mais sur ces nouveaux créneaux, nous proposerons des prix plus élevés, pour correspondre au marché », promet Thomas Rebaud. Les photographes promettent, eux, de suivre cela de près.

Déborah Loye 

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