Robert Mapplethorpe est-il devenu ringard ?

Dès 1978, l’œuvre du photographe américain fit scandale à Paris. Aujourd'hui, son érotisme froid et son esthétique léchée apparaissent datés.

Par Frédérique Chapuis

Publié le 12 avril 2014 à 00h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h12

A la fin des années 70, en passant devant le Grand Palais, Robert Mapplethorpe aurait déclaré à son amante, son amie, sa muse, la chanteuse Patti Smith : « Un jour j'exposerai là ! » Vingt-cinq ans après sa mort, une rétrospective lui est, ici, consacrée. Encore aujourd'hui, le photographe compte de nombreux fans et quelques détracteurs. Comme cette visiteuse qui, devant son portrait de Richard Gere torse nu (1982), s'exclame : « Que c'est ringard ! » Plus loin, dans le cabinet (interdit aux moins de 18 ans) consacré aux images exhibitionnistes et sadomasochistes, elle ajoute : « Je ne comprends pas. Pourquoi le Grand Palais expose-t-il ce genre de choses ? » Plus que choquée, la femme semble agacée. « En 1978, ces images provoquèrent un vrai scandale quand elles furent exposées à la galerie La remise du parc, se souvient Jean-Luc Monterosso, directeur de la MEP, qui possède quarante tirages de Mapplethorpe dans sa collection. C'était nouveau. Elles montraient des choses que l'on ne regardait pas : la sexualité et la beauté noire. Le temps a passé. Cela fait désormais partie de notre patrimoine visuel. »



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© Robert Mapplethorpe Foundation

© Robert Mapplethorpe Foundation

L'oeuvre de Mapplethorpe ne serait donc pas intemporelle. Elle reflète l'histoire singulière d'un garçon né en 1946, dans une famille très croyante. Son père l'imagine militaire, comme lui, sa mère le destine aux ordres. Il sera enfant de choeur à Notre-Dames-des-Neiges dans le Queens et restera fasciné par la magie des rituels religieux. Mais, c'est dans l'underground new-yorkais des années 70, autour d'Andy Warhol, et dans l'effervescence des mouvements pour la libération des Noirs, des femmes et des homosexuels, qu'il trouvera sa liberté. Jusqu'à sa mort, du sida, à 42 ans. Interrogé sur les raisons de ce succès resté intact, Christian Caujolle, commissaire d'exposition et critique, considère qu'il a photographié avec un sérieux académique des sujets alors marginaux : « Mapplethorpe est un classique. Il a cherché ses références dans la sculpture classique et dans l'histoire la photo européenne, et non pas américaine. Surtout, il a érigé la photographie au statut d'objet. » Il est parvenu à adorer l'image du corps, plus que le corps qu'elle représente. Ceux qui l'admirent aujourd'hui partagent sans doute ce culte de la perfection.

A voir

Robert Mapplethorpe, jusqu'au 13 juillet, au Grand Palais, à Paris. 

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