Elle n’a pas encore 30 ans, est autodidacte en photo (oui, oui) et instaure sur chacun de ses clichés un univers à la fois très singulier, poétique, quasi chimérique… Et pourtant parfaitement ancré dans notre réalité. En parallèle, elle est professeure de philosophie formée à l’École Normale Supérieure de Lyon. Rencontre avec Julie de Waroquier, talent incontesté de la nouvelle génération.

© Julie de Waroquier / Clichés de femmes

Rencontre

Comment la photographie est-elle arrivée dans votre vie ?
Par hasard, petit à petit : avec un modeste compact initialement prévu pour des photos de vacances, j’ai finalement pris goût à raconter des histoires en images. La passion est venue naturellement, à mesure que je réalisais des mises en scène de plus en plus élaborées. Cela m’a en quelques mois conduite vers des projets professionnels, et je n’ai plus jamais lâché mon appareil.

Sur chacune de vos images se trouve un corps, féminin essentiellement… 
Oui, j’aime jouer avec des personnages, pour que l’on puisse s’y identifier ; ils accentuent le surréalisme d’une image, ils la rendent crédible, même si la scène est par ailleurs improbable. J’ai à l’inverse du mal avec les paysages ou natures mortes sans sujet humain ; je ne parviens pas à leur donner une âme, et j’admire d’autant plus les photographes qui y arrivent !

© Julie de Waroquier / Still holding on
© Julie de Waroquier / Frozen Soul

Travaillez-vous par série ?
La plupart du temps, je fonctionne surtout à l’impulsion ; mes images s’imposent dans mon esprit comme des urgences qu’il faut réaliser. A côté, je travaille plus en profondeur sur des séries, sur des projets plus spécifiques ; ce sont deux manières de créer que j’affectionne autant. En fait, j’aime la mise en scène en général, c’est-à-dire agencer le réel pour que cela corresponde à mon imagination. Ce qui me passionne le plus est la capacité à émouvoir le spectateur, à le transporter dans un autre monde, comme lors de la lecture d’un livre fantastique.

On parle souvent d’onirisme, de rêve, de flottement pour décrire votre travail. Mais il y a également une part d’ombre assez importante, non ? La part d’ombre est l’un des aspects de l’onirisme : nos rêves sont autant porteurs d’espoirs que d’angoisses, et j’essaie de toujours maintenir cette tension. J’aime quand une image est à la fois naïve et profonde, joyeuse et tourmentée.

© Julie de Waroquier / Paranoia
© Julie de Waroquier / Cage of lies

Y a-t-il un symbole derrière chaque élément de vos mises en scène ? Chaque élément fonctionne en effet comme symbole, c’est-à-dire qu’il représente une idée, une émotion ou une histoire ; je travaille en fait mes images comme des poèmes, ou comme des rêves : il faut tout interpréter pour se raconter sa propre histoire.

Philosophie et photographie sont-elles complémentaires ?
Les deux domaines sont une recherche de sens ; mais la photographie est pour moi poétique, alors que la philosophie reste conceptuelle et rationnelle. Ainsi les deux se complètent mais sans toujours se rejoindre.

Votre premier livre, Révalités, a été adapté en film…
Oui, c’est l’un de mes plus beaux projets ; le réalisateur, Damien Steck, a transformé mes images en un court-métrage qui restitue l’atmosphère de mon travail. J’aurais été incapable de réaliser un tel film seule, et je suis donc très heureuse d’avoir rencontré l’équipe idéale pour ce projet. Nous avons passé plus d’un an sur le tournage et le post-traitement, et le résultat est au-delà de mes espérances.

Dreamalities, un court-métrage réalisé par Damien Steck et Julie de Waroquier

En mars dernier, vous avez publié un autre livre, intitulé cette fois Clichés de femmes, pouvez-vous nous en parler ?
Ce sont les éditions Atlante qui m’ont proposé ce projet, et il m’a immédiatement emballée. L’idée était d’associer mes images à des citations sexistes ou misogynes de philosophes, pour les mettre à distance. J’ai donc adoré réaliser ce projet, avec une série d’images inédites, car cela regroupe trois de mes engagements : photographie, philosophie, et féminisme. J’ai été surprise au cours de mes recherches de récolter autant de citations, puisque la quasi-totalité des grands philosophes traditionnels est concernée ! Le livre invite ainsi à s’étonner : comment se fait-il que des penseurs censés critiquer les préjugés se retrouvent dans la misogynie ? 

© Julie de Waroquier / Clichés de femmes

Quelles sont les étapes de votre procédé de création ? 
Je travaille de manière classique : quand j’ai une idée, je cherche tout ce qui me permettra de la réaliser (lieu, accessoires, modèle, lumière) ; durant le shooting, tout se passe très vite, car je sais exactement ce que je désire. En retouche, c’est plus aléatoire ; je tâtonne parfois avant d’obtenir ce que je veux. D’autres fois, cela vient naturellement, et je sens quand la photo est finie. C’est très variable, parfois une seule image suffit, parfois il y a plus de cent calques ; tout dépend du projet et de la complexité du montage.

Quel.s type.s d’appareil.s utilisez-vous ?
Je travaille avec des boîtiers et objectifs Nikon, en numérique (le d800 associé au 35mm ou 50mm f/1.4). J’aime la vitesse du numérique, qui correspond à mon énergie créative : je travaille très rapidement, autant durant la prise de vue que durant la retouche. Quand j’ai une idée le matin, en général la photo est prête le soir-même ! J’aime aussi le charme de l’argentique, mais je ne suis pas assez patiente ; en ce sens, je préfère l’instantané, et je joue de temps à autre avec des Polaroids ou Instax.

© Julie de Waroquier / Clichés de femmes

Plutôt lumière naturelle ou éclairage photo ?
Je fonctionne presque exclusivement en lumière naturelle ; j’aime travailler les rayons tels qu’ils se présentent, ils apportent un réalisme nécessaire à mes créations.

Plutôt adepte des trucs et astuces sur le shooting, ou FX en post-prod ?Les deux me passionnent ; je ne suis pas une grande bricoleuse, mais j’essaie de confectionner des accessoires ou éléments du décor quand je le peux. J’adore tout autant passer du temps en retouche pour façonner l’univers que je souhaite.

… Enfin, est-ce que votre monde ressemble à celui de vos photos ? 
Dans mon esprit, assurément !

© Julie de Waroquier / The web of fears
© Julie de Waroquier / The approach
© Julie de Waroquier / Those wings used to fly

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Auteur

Journaliste, Curieuse, Baroudeuse, Couteau Suisse. Passionnée par le cinéma, la littérature, la photographie et la contre-culture. Bref, lire, écrire et courir, mais pas les trois à la fois parce que ce n'est pas pratique.

1 Commentaire

  1. Avatar de Aurélie Vautrin

    Les photos sont belles, on dirait des tableaux, mais, Dieu, qu’elles sont tristes….
    Et la joie de vivre dans tout ça, ou est-ce un reflet du monde actuel ???

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