Photos : plus on les partage, plus on les abîme

Photos : plus on les partage, plus on les abîme

Sur Internet, rien ne se perd, mais tout s’altère. Même si c’est rarement visible à l’œil nu, les objets numériques se dégradent. Surtout quand ils deviennent viraux : plus on les aime, plus on les partage, plus ils s’abîment....

Par Claire Richard
· Publié le · Mis à jour le
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Sur Internet, rien ne se perd, mais tout s’altère. Même si c’est rarement visible à l’œil nu, les objets numériques se dégradent. Surtout quand ils deviennent viraux : plus on les aime, plus on les partage, plus ils s’abîment. C’est la tragédie du monde viral – Internet a l’amour vache.

C’est ce qu’illustre l’expérience récente de l’artiste américain Mark Samsonovich, qui a montré comment une de ses photos, devenue virale sur le Web, s’était progressivement abîmée. Il a compilé ces dégradations successives en un GIF animé, pour le site The Verge.

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Mark Samsonovich

Le cycle des dégradations de la photo sur Internet

Pour référence, voici la photo initiale, un cliché d’une de ses œuvres de street art réalisée à Austin, au Texas.

A photo posted by Mark Samsonovich (@loveistelepathic) on Juin 6, 2014 at 7 : 40 PDT

« Water the Flowers », Mark Samsonovich

Le rôle d’Instagram

Marc Samsonovich l’a d’abord postée sur son site web et son compte Instagram. Elle devient très vite virale elle apparaît sur le site 9gag (avec le titre « S’aider mutuellement à grandir plutôt que se détruire »), sur Tumblr, elle est bientôt tweetée par des comptes qui ont des centaines de milliers de followers, et elle est même « réinstagrammée » par la top model Cara Delevingne (7,6 millions de followers).

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En circulant de site en site, en étant téléchargée, repostée, parfois avec un filtre, parfois dans une autre taille, la photo s’est nettement dégradée. Marc Samsonovich n’est pas particulièrement ravi du phénomène, comme il l’explique au site Motherboard. Selon lui, Instagram est responsable de la majorité des dégradations :

« Je pense qu’Instagram est le facteur le plus important. Il y a beaucoup de filtres et de retaillage, et après ça, on peut voir que l’image passe par d’autres applis liées à Instagram. On peut aussi voir que le retaillage est de plus en plus important. »

Même si on la voit rarement, cette perte de qualité fait partie intégrante de la vie des objets numériques. Certains artistes en ont même fait des œuvres.

La dégradation fait art

Ainsi, en 1969, le compositeur Alvin Lucier crée la performance « I am Sitting in a Room » : il s’enregistre lisant un texte dans une pièce, puis passe cet enregistrement dans la même pièce en l’enregistrant à nouveau, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le texte initial soit à peine audible.

« I am Sitting in a Room »

La performance d’Alvin Lucier a été reprise en 2010, par l’utilisateur de YouTube Canzona, qui a fait la même chose mais en partant d’une vidéo YouTube.

« Video Room »

De son côté, Samsonovich relativise l’impact des dégradations sur son art. La plus grosse perte, pour lui, s’était produite bien avant ça, entre le mur de l’œuvre et son écran d’ordi :

« Ma grosse question, c’est que cette œuvre était à l’origine destinée à être vue dans une petite rue d’Austin, où elle est en taille réelle. C’était difficile pour moi de faire ce pas mental, de passer de l’expérience réelle, où l’œuvre fait 2,5 mètres, à Internet, où elle sera vue sur des écrans de 5 centimètres. Entre ces deux dimensions, l’écart est énorme. Mais depuis mon site web, où l’image est en haute résolution, à Imgur [un site de partage de photos, ndlr]], je ne pense pas que l’écart soit très important vis-à-vis de ma pratique artistique »
Claire Richard
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