De la photo mais pas que… Sugimoto fait sa petite révolution au château de Versailles

A Versailles, le Japonais dévoile plus d’une passion : la photographie, bien sûr, mais aussi la sculpture, l’architecture et le spectacle vivant à travers une programmation de films. Preuve que celui qui fait entrer la photo pour la première fois au “château” est un artiste pluriel.

Par Stéphane Renault

Publié le 27 novembre 2018 à 16h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h12

A 70 ans, le photographe japonais ne fait pas son âge. Zen ? Assurément. D’une nature minimaliste et contemplative, à l’exemple de ses images, exposées aux quatre coins de la planète. Ses tirages épurés en noir et blanc, dont les prix s’envolent sur le marché de l’art, ont assis de longue date sa réputation d’oeil sensible et technicien hors pair. Des séries devenues, pour certaines, iconiques. Comme ces bâtiments emblématiques de l’architecture du XXe siècle, ces marines évoquant une toile de Rothko, où seule la ligne d’horizon sépare le ciel de l’océan. Ou encore ces captures d’écrans immaculés de vieilles salles de cinéma et drive-in américains, réalisées dans des temps d’exposition extrêmement longs à la chambre optique grand format.

Ces photographies ont rendu célèbre Hiroshi Sugimoto, diplômé en 1970 de l’université Saint-Paul de Tokyo, sa ville natale, passé par l’Art Center College of Design de Los Angeles avant de s’installer à New York en 1974. Fortune faite, il a décidé depuis quelques années de se diversifier, et de consacrer ses moyens à ce qu’il considère comme sa seconde carrière.

Hiroshi Sugimoto, Surface of Revolution, 2018, aluminium, acier 

Hiroshi Sugimoto, Surface of Revolution, 2018, aluminium, acier 

© Hiroshi Sugimoto

Autoproclamé « jeune architecte qui débute » (il a aussi de l’humour), à la tête de sa propre agence, il s’investit aussi depuis une décennie dans le spectacle vivant. La Fondation Odawara qu’il a créée soutient le théâtre, et plus largement la diffusion de la culture japonaise. A son actif récent, un spectacle de kyôgen interprété par les maîtres du genre au Théâtre de la Ville, dans le cadre du Festival d’automne à Paris. Sugimoto en a assuré la scénographie, réalisé décors et costumes. Convaincu que les arts de la performance représentent l’acmé de l’art, il prépare pour l’an prochain un ballet à l’Opéra Garnier.

Pour autant, il n’a pas renoncé à la photographie. Pourquoi choisir ? Tout est affaire de dimension. A ses yeux, composer une image, concevoir un spectacle, dessiner une architecture relèvent d’un dénominateur commun : le sens de l’espace. Au Japon, sur l’île de Naoshima, fameuse pour être totalement dédiée aux arts platiques, ses photographies sont exposées sur les murs du Chichu Art Museum pensé par son compatriote « starchitecte » Tadao Ando. Non loin de ce sublime musée tout en lignes anguleuses, Sugimoto a rénové le mausolée de Gooh, en verre et bois. L’un de ses projets les plus fameux, quoique discret. L’un n’excluant pas l’autre, a fortiori au pays du Soleil-Levant. 

A Versailles, il expose ses différentes facettes. Plusieurs lieux du Trianon accueillent des portraits de personnages historiques, ayant tous en commun d’être passés un jour au château : Voltaire, Napoléon Bonaparte, la reine Victoria, Fidel Castro, l’empereur Hirohito, Salvador Dali... Plus vraies que nature, les figures de cire photographiées au musée Madame Tussauds, à Londres, sont autant d’effigies fantomatiques qui apparaissent par ordre chronologique. « C’est une fête, une réunion de personnages illustres qui hantent les lieux, avance l’artiste. J’ai voulu transformer le Petit Trianon en une scène de théâtre nô. » Une fête qui n’en serait pas une sans le Roi-Soleil en personne. Son profil trône en majesté dans une salle au début du parcours. La photographie a été spécialement réalisée à partir d’un moulage de son visage, effectué dix ans avant sa mort. « Il semble vivant, comme s’il avait été photographié plus de cent ans avant l’invention de la photographie ! » s’amuse Sugimoto. Juste retour de Louis XIV en son château. Un peu comme si, rétrospectivement, Versailles lui était conté…

Hiroshi Sugimoto, Fidel Castro, 1999, tirage argentique 

Hiroshi Sugimoto, Fidel Castro, 1999, tirage argentique 

© Hiroshi Sugimoto

Prétexte à découvrir des lieux moins visités que la galerie des Glaces, voire habituellement inaccessibles – ainsi du charmant théâtre de la reine où Marie-Antoinette aimait à donner de petits spectacles –, l’exposition de photographies s’accompagne de l’installation d’une sculpture dans le Belvédère et d’une maison de thé, dite « Mondrian », au beau milieu du bassin du Plat Fond. Parfaite réussite d’intégration dans la perspective des jardins à la française et lieu de méditation idéal. Pour qui en douterait encore, la meilleure preuve que le photographe-scénographe-architecte a effectivement le sens de l’espace.


« Sugimoto Versailles. Surface de Révolution », château de Versailles, jusqu’au 17 février 2019. (12 €)

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