Visa pour l'image 2017 : le poids des maux

Le programme de la 29e édition du Festival international de photojournalisme de Perpignan vient d'être dévoilé. D'Irak en pays berbère, de Chine en réserves indiennes nord-américaines, il propose une cartographie des populations en souffrance qui révèle un monde en proie à une hostilité croissante.

Par Sabrina Silamo

Publié le 10 mai 2017 à 15h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 04h15

Perpignan, sa cathédrale, sa gare rebaptisée le « centre du monde » par Salvador Dalí, et son Festival international de photojournalisme, Visa pour l'image – le plus important au monde –  qui se tient chaque année début septembre. En 2016, en dépit des mesures de sécurité renforcées après l’attentat de Nice, plus de 156 000 visiteurs s’y sont précipités, des amateurs mais aussi des professionnels (950 photographes représentant 61 pays). Pour la prochaine édition, du 2 au 17 septembre, le directeur du festival Jean-François Leroy a reçu plus de 4 500 projets. 25 ont été retenus qui feront l’objet d’expositions gratuites, présentées dans toute la cité catalane. Elles proposent un tour du monde en quatre tendances chaotiques majeures.

Des enfants jouent dans les décombres d’un bâtiment qui servait de base militaire à Daech, détruit par une frappe aérienne de la coalition. Hammam al-Alil, Irak, décembre 2016.

Des enfants jouent dans les décombres d’un bâtiment qui servait de base militaire à Daech, détruit par une frappe aérienne de la coalition. Hammam al-Alil, Irak, décembre 2016. Photo: Lorenzo Meloni / Magnum Photos

Aicha prépare le thé dans la cuisine de la maison qu’elle partage avec sa fille. Sa voisine est venue lui rendre visite. Timetda, dans la région d’Amejgag, 2016.

 

Aicha prépare le thé dans la cuisine de la maison qu’elle partage avec sa fille. Sa voisine est venue lui rendre visite. Timetda, dans la région d’Amejgag, 2016.   Photo: Ferhat Bouda / Agence VU’

Ferhat Bouda poursuit son combat en faveur des Berbères, peuples nomades d'Afrique du Nord. Récompensé par le prix Pierre & Alexandra Boulat Award en juillet dernier, il immortalise dans un noir et blanc profond les Amazighs (Hommes libres) dans leur combat contre l’assimilation et l’oubli de leur culture. Autre peuple en danger, les Sioux de la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud) que l’Américaine Darcy Padilla (bardée de récompenses dont trois World Press Photo) a photographiés entre 2004 et 2005. Celle qui, selon l’écrivain Emmanuel Carrère, est devenue « commise d’office auprès des pauvres » après plusieurs reportages sur les marginaux, est partie dans une des réserves les plus misérables des Etats-Unis, à la rencontre des Indiens dépendants de l’alcool et de la drogue.

Peia Kararaua (16 ans), dans un quartier inondé du village d’Aberao, îles Kiribati, l’un des pays les plus durement touchés par la montée du niveau des mers.
 

Peia Kararaua (16 ans), dans un quartier inondé du village d’Aberao, îles Kiribati, l’un des pays les plus durement touchés par la montée du niveau des mers.
  Photo: Vlad Sokhin / Cosmos / Panos Pictures / laif

Après un reportage remarqué sur les violences domestiques à l’encontre des femmes de Papouasie, Vlad Sokhin photographie désormais les conséquences du réchauffement climatique. Il témoigne des solutions trouvées par les peuples autochtones de l’Arctique et du Pacifique pour rester sur la terre de leurs ancêtres en dépit des cyclones, des sécheresses ou des inondations qui menacent leurs communautés. Quant au Chinois Lu Guang, il parcourt son pays natal, devenu en trois décennies la deuxième puissance économique mondiale, mais dont la rapide industrialisation a provoqué la contamination des terres agricoles ou l’émergence de « villages du cancer », ces territoires où le taux de mortalité est plus élevé que la moyenne nationale. Un reportage qui lui a valu de remporter le prix World Press Photo Contest en 2015.

Vinny (13 ans) avec sa mère Eve, lors d’une visite. « Maman, fais-moi sortir d’ici ! Sors-moi d’ici, maman ! » Établissement pénitentiaire pour mineurs, comté de Bernalillo, Albuquerque, Nouveau-Mexique, 2012.
 

Vinny (13 ans) avec sa mère Eve, lors d’une visite. « Maman, fais-moi sortir d’ici ! Sors-moi d’ici, maman ! » Établissement pénitentiaire pour mineurs, comté de Bernalillo, Albuquerque, Nouveau-Mexique, 2012.
  Photo: Isadora Kosofsky

En 2016, nombre de reportages documentaient le destin des migrants. A commencer par celui d’Aris Messinis, Scènes de guerre en zone de paix, qui a obtenu le Visa d’or, le prix le plus prestigieux du festival. Pour cette édition, les photoreporters ont couvert d’autres sujets tout aussi tragiques. Isadora Kosofski a suivi, cinq années durant, les adolescents détenus dans les prisons d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique, de leur emprisonnement à leur libération. Loin des Etats-Unis et de sa population carcérale, Amy Toensing, qui a débuté sa carrière comme photographe à la Maison-Blanche pour le New York Times, a elle photographié les veuves qui, en Inde, en Ouganda ou en Bosnie sont bannies de la société à la suite du décès de leur mari.

À l’entrée de l’ashram pour veuves Meera Sehbhagini Mahila, géré par les autorités publiques avec le soutien de Sulabh International : Ranjana (à gauche) et Lalita (à droite), toutes deux veuves de différentes générations. Vrindavan, Uttar Pradesh, Inde, 2013.

À l’entrée de l’ashram pour veuves Meera Sehbhagini Mahila, géré par les autorités publiques avec le soutien de Sulabh International : Ranjana (à gauche) et Lalita (à droite), toutes deux veuves de différentes générations. Vrindavan, Uttar Pradesh, Inde, 2013. Photo: Amy Toensing / National Geographic Magazine / National Geographic Creative

Renée C. Byer, récompensée du prix Pulitzer en 2007, connue à Perpignan grâce à son reportage Living On A Dollar A Day projeté en 2014, revient avec un travail consacrés aux 2 000 Afghans accueillis aux Etats-Unis pour échapper aux Talibans, et abandonnés dans un pays pour lequel ils ont servi en tant qu’interprètes ou médecins au côté de l’armée américaine.

Seule note détendue dans ce panorama mondial de la douleur, la joie de vivre qui émane des clichés de Picasso pris à l’été 1957 par David Douglas, alors reporter de guerre pour le magazine Life, à Cannes, dans la villa baptisée La Californie, de celui qu’il surnomme « le maestro ». Ces moments privilégiés font l’objet d’une exposition inédite qui inaugure le Centre d’art contemporain Walter Benjamin.

A voir

Visa pour l'image, Festival international du photojournalisme, du 2 au 17 septembre, Perpignan (66). 

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