Paris Photo 2016 : les images coup de cœur de “Télérama”

Pour son 20ème anniversaire, la plus grand foire photo du monde fait la part belle aux grands classiques et au noir et blanc. Balade subjective au fil des allées.

Par Luc Desbenoit

Publié le 10 novembre 2016 à 13h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h13

En fait, Anna Reivilä, découvre-t-on avec surprise, n’est âgée que de 28 ans. Son oeuvre s’affirme sans complexe dans une foire internationale encore traumatisée par les attentats de l’an dernier à Paris l’ayant obligé à fermer ses portes prématurément.

Valeurs sûres

Pour son vingtième anniversaire, Paris Photo cherche à rassurer avec des valeurs éprouvées. Sous la lumière des verrières du Grand Palais, les images célèbres se succèdent : « Noir et blanche » de Man Ray, « l’atelier de Mondrian » d’André Kertesz, les exceptionnelles natures mortes de Josef Sudek, des clichés de la série des gitans de Joseph Koudelka avec l’homme théâtralement accroupi à coté de son cheval, « le baiser de l’hôtel de ville » de Doisneau... 

Josef Koudelka, Romania, 1968.

Josef Koudelka, Romania, 1968. © Josef Koudelka, Magnum Photos, courtesy Eric Franck / Augusta Edwards

Les amateurs de belles images seront comblés de voir ces clichés de légende «en vrai», dans les tonalités et les formats souhaités par leurs auteurs, à quelques exceptions près comme certains tirages modernes d’Edward Weston (1886-1958) qui trahissent les originaux.

Avedon omniprésent

Richard Avedon (1923-2004) pourrait être considéré comme l’invité d’honneur. Sans doute en raison de l’hommage que lui rend la Bibliothèque nationale de France dans le 13e arrondissement. De nombreux galeristes exposent des portraits:  ceux de l’actrice Nastassja Kinski en odalisque nue contre laquelle se love voluptueusement un python, de l’ancien président des Etats-Unis Dwight David Eisenhower et son air chiffonné, et bien sûr celui de « sa » Marylin Monroe saisie en plein désarroi, fragile comme un cristal sur le point de se briser. L’actrice américaine fait également partie des valeurs sûres avec les clichés inventifs de Bert Stern (1929-2013) la divinisant dans une position christique le corps barré par une croix orange.Avec l’exposition des dernières acquisitions du Centre Georges Pompidou au premier étage, dont un superbe grand format de Jeff Wall «lancer de couteau» (2008) , jamais Paris-Photo ne semble avoir présenté autant de «classiques».

Stéphane Couturier, Série Melting-pot, Bal-el-Oued 3, 2016

Stéphane Couturier, Série Melting-pot, Bal-el-Oued 3, 2016 © La galerie particulière

Les autres photographes, moins connus, doivent supporter la comparaison en présentant l’excellence de leur production. «La galerie particulière» (stand B30) consacre la totalité de son stand au travail de Stéphane Couturier (né en 1957) sur des façades. Les couleurs des volets d’un bleu tendre, ou les rythmes des façades d’immeubles à Alger avec les rideaux se gonflant dans une superbe chorégraphie de fenêtres ouvertes et de courants d’air met le visiteur en arrêt. 

Harry Gruyaert, Los Angeles, California, USA, 1982.

Harry Gruyaert, Los Angeles, California, USA, 1982. © Harry Gruyaert, courtesy Galerie Fiftyone

Trouvailles aléatoires

Jusqu’alors virtuose du poster animalier avec ses grands fauves soigneusement léchés, le photographe Nick Brandt (né en 1964) prend une dimension politique inattendue en présentant une décharge en Afrique fouaillée par le groin d’un cochon, survolée par des charognards et sur laquelle des humains misérables èrent en quête d’un débris. Voilà ce qu’est devenu le monde proclame son cliché sur lequel il a incrusté un éléphant en majesté. Il n’y a pas si longtemps cette décharge était une nature superbe, le royaume du pachyderme exterminé par l’urbanisation sauvage et la cupidité des braconniers.

Nick Brandt, Wasteland with Elephant, 2015.

Nick Brandt, Wasteland with Elephant, 2015. © Nick Brandt, courtesy Edwyn Houk Gallery New York and Zürich

Sur le stand de la Galerie Vu', si on ne se contente pas du troublant portrait en couleur d’un être androgyne de Laerke Posselt,  se tient à sa gauche une série de la jeune bretonne Nolwenn Brod. Fraîchement produite, datée de 2016 et intitulée «la ritournelle» (2016) la photographe traite de la nature sauvage, de l’animalité humaine et de la beauté troublante de la broussaille . Un cliché concentre son propos : un gros plan sur un torse poilu, un torse de loup garou, aussi dérangeant à regarder que fascinant, comme les freaks, ces monstres présentés dans les foires. 

Julie Blackmon, Rope Swing, 2016.

Julie Blackmon, Rope Swing, 2016. © courtesy galerie Robert Mann

Une autre jeune femme, également inconnue, l’américaine Julie Blackmon ( stand Robert Mann de New York D12) surprend également par son image qui ne tient que par la grâce d’un fil, ou plutôt d’une corde coupant de loin comme une faille blanche, une scène de gamines en train de jouer. L’une est suspendue au filin à une hauteur vertigineuse, une autre pèse en bas de tout son poids. Le spectacle d’abord se remarque pas son élégance. Prise de nuit dans l’éclair d’une lumière aveuglante, la scène dégage une atmosphère intrigante, presque de film d’horreur. En fait, l’artiste évoque l’histoire d’un conte de fée. De ceux qu’on raconte aux enfants pour les endormir ou les avertir de la complexité du monde qu’ils commencent à explorer.

Denis Roche
20 avril 1979, Paris, rue Henri Barbusse, 1979

Denis Roche
20 avril 1979, Paris, rue Henri Barbusse, 1979 © Denis Roche, courtesy galerie le Réverbère, Lyon

L'hommage à Denis Roche

Pour cette 20 e édition, la foire internationale réunissant les galeries les plus prestigieuses de la planète rend un hommage émouvant à la photographie française et à l’excellence des choix de la galerie lyonnaise du « Le Réverbère » en mettant en couverture de son catalogue l’autoportrait de l’un de ses artistes, Denis Roche disparu l’an passé. Toute la subtilité virtuose de l’écrivain photographe s’y concentre. Son visage et celui de sa femme Françoise se reflètent dans deux miroirs posés sur un plancher.  On voit le bout du pied nu de l’auteur et les chaussures un peu rétro de son épouse, sa muse dont le visage apparaît deux fois. Concentrant les obsession de Denis Roche, l’image trône comme il se doit au centre du stand (D4) de la galerie.

 A voir : Paris Photo jusqu’au 13 novembre au Grand Palais à Paris (8e) . Avec un catalogue (560 p., 25 €)

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