L'aurore, la Lune, les Pléiades, les Hyades, et Jupiter
© Bastien Foucher

Interview de Bastien Foucher, astrophotographe

Lorsque le ciel est dégagé, on aperçoit les étoiles, et on se prend à rêver de galaxies lointaines. Mais pour les photographier, c’est une autre paire de manches. Bastien nous ayant contacté pour nous parler d’astrophotographie, nous n’avons pas pu nous empêcher de lui poser des questions sur cette technique photo qui a l’air bien compliqué, mais qui une fois maîtrisée nous fourni de bien belles images !

M8, la nébuleuse de la Lagune
M8, la nébuleuse de la Lagune

Découvrez tout de suite l’interview photo de Bastien Foucher.

Avant tout, présente-toi en quelques mots

Je m’appelle Bastien, j’ai bientôt 32 ans. Je pratique l’astrophotographie dans l’Ain, pas très loin de Bourg en Bresse. J’ai réussi à rendre l’utile à l’agréable en travaillant quelques jours par an pour une agence de voyages dans une région du monde que je connais bien, la Norvège, pour montrer les aurores boréales.

L'aurore, la Lune, les Pléiades, les Hyades, et Jupiter
L’aurore, la Lune, les Pléiades, les Hyades, et Jupiter

Depuis quand fais-tu de la photo, quelles ont été les étapes importantes pour toi dans ton apprentissage ?

Je m’intéresse à la photo depuis longtemps. L’achat de mon premier réflex numérique (un Canon EOS 350D) en 2005 avec mes premières paies a servi de déclic. Je l’ai fait souffrir ce pauvre boîtier : une opération à cœur ouvert pour modifier la vitre de protection du capteur, des nuits entières par -10° ou sous une humidité terrible, quelques séjours hivernaux en Laponie… Mais il fonctionne toujours ! J’ai ensuite rencontré par hasard Emmanuel Berthier, un photographe professionnel. Le courant est vite passé. Nous avons monté des projets de voyages vers une région que nous adorons, la Laponie. Nous avons aussi partagé nos connaissances, mais lui m’en a sans doute appris bien plus que l’inverse 🙂

NGC 2244, la nébuleuse de la Rosette
NGC 2244, la nébuleuse de la Rosette

Pour les novices, qu’est-ce que l’astrophotographie ?

L’astrophotographie, c’est l’art de prendre des objets célestes (planètes, Soleil, nébuleuses, galaxies, amas d’étoiles…) en photo.

Lune gibbeuse
Lune gibbeuse

D’où t’es venu l’idée / l’envie de faire de l’astrophotographie ?

J’ai toujours été attiré par le ciel étoilé. Les comètes des années 90 et l’éclipse de 1999 ont servi de catalyseur. Je me suis acheté mon premier télescope en 2001. Les Chinois venaient tout juste de débarquer sur ce marché. On pouvait enfin se procurer de « gros » diamètres à prix très raisonnables. Mais, quand on regarde dans un télescope, on est vite frustré : la plupart des objets nous apparaissent en noir et blanc car notre œil n’est pas assez sensible aux couleurs. Après m’être renseigné sur internet, j’ai compris que les couleurs n’apparaissaient que sur des photos après de longues heures de pose. Je me suis donc offert mon premier équipement d’astrophotographe en 2005. J’étais fou de joie quand j’ai vu ma première image d’une nébuleuse apparaître en couleurs sur l’écran de mon 350D ! En 2005 nous n’étions que quelques-uns à faire ça. Maintenant, la discipline s’est bien développée.

NGC 7380, la nébuleuse du magicien
NGC 7380, la nébuleuse du magicien

J’imagine que ce domaine de la photo nécessite un équipement spécifique, quel matériel utilises-tu ?

Tout dépend de ce que l’on souhaite photographier. Pour prendre la Voie Lactée en photo, un appareil réflex muni d’un trépied suffit. Pour tout le reste, il faut un équipement très spécialisé. Il vous faut tout d’abord un dispositif de suivi (la monture) car la Terre tourne. Puis il vous faudra un télescope ou une lunette : le télescope collecte la lumière par un jeu de mirroirs, contrairement à la lunette qui est un « gros objectif photo ». Pour photographier les planètes (Saturne et ses anneaux, Jupiter, Mars, ….), on utilisera un télescope de gros diamètre et une caméra ultra-rapide. Pour photographier le ciel dit « profond » (c’est-à-dire au-delà du système solaire : galaxies, nébuleuses…), un instrument plus petit suffit.

matériel-astrophoto

Il est ensuite possible d’utiliser un appareil reflex que l’on connectera au télescope. Mais ils ne sont pas assez sensibles et trop bruités : on utilise plutôt des caméras monochromes refroidies spécialisées (certaines descendent à -60° sous la température ambiante !). Lors de la prise de vue, on réalise des poses « unitaires » de 10 à 20 min, qui sont ensuite additionnées pour simuler des poses plus longues. Je cumule ainsi de 4h jusqu’à 14h de poses (mon record) par image.

Est-ce que les aurores boréales rentrent dans le domaine de l’astrophotographie ?

Bonne question ! 🙂 Mais je pense que oui.

Tu es également directeur de l’observatoire de Bourg en Bresse, en quoi consiste cette activité ?

Essentiellement s’occuper du site ! Vérifier que tout va bien, prévoir les entretiens qui sont à réaliser. J’anime aussi quelques soirées publiques avec les membres de l’association. Mais nous ne faisons pas de recherche. Nous faisons quelques manipulations entre passionnés (astrophotographie bien sûr, observations visuelles, observations de transit d’exo planètes, spectrographie, …).

Les galaxies M81 et M82
Les galaxies M81 et M82

De quelle image es-tu le plus fier ?

Difficile de répondre à cette question. J’aime toutes mes images car chacune m’a demandé beaucoup de travail (parfois plusieurs dizaines d’heures). Là où un photographe produit des centaines de clichés par an, les bonnes années, j’en fais une petite dizaine. Je me rappelle donc des conditions dans lesquelles j’ai réalisé chacune de mes images. Mais si je devais en sélectionner 2, ça serait « Nébulosités autour de gamma du Cygne » (voir ci-dessous) et la photo d’aurore boréale qui est sur la page d’accueil de ma galerie (et plus haut dans l’interview). Je me rappellerai longtemps de cette nuit extraordinaire…

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Nébulosités autour de Gamma du Cygne

Quels conseils donnerais-tu au photographe qui veut découvrir l’astrophotographie ?

Qu’il faut de la patience, beaucoup de patience ! Les échecs sont nombreux, le matériel coûte très cher, et les nuits claires, sans Lune, sans vent, peuvent se compter sur les doigts d’une main chaque année. Contrairement à la photo normale où l’on peut sortir (presque) quand on veut, en astrophotographie, s’il n’y a pas d’étoiles, le matériel ne peut pas sortir et on ne fait rien ! Il faut aussi être opportuniste et profiter de la moindre fenêtre météo. Avoir des connaissances de base en astronomie (je pense aux constellations), en photo et en optique est aussi indispensable. Enfin, être en bonne forme aide à récupérer des nuits blanches.

Le mot de la fin ?

Je me dis parfois que je suis un peu fou… Tellement d’investissements pour si peu d’images. Mais j’aime tellement la nuit, ses bruits, ses étoiles, son calme… je crois que je ne m’arrêterai jamais !

La voie lactée
La voie lactée

Merci Bastien pour cet interview. Si vous voulez découvrir le travail de Bastien, vous pouvez le retrouver sur son site web ainsi que sur Facebook.

Fondateur et rédacteur en chef

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  1. En tout cas, ça donne très envie !

    J’ai plus qu’à trouver un coin sombre pour faire la voie lactée sur un paysage 🙂 parce que le reste, ça va pas être possible!

  2. Que du déjà vu. Désolé…
    Ces photos ont plus de qualité pour leur côté « Photoshoped » que pour leurs prises de vue intrinsèques.
    Il faudrait arrêter de se prétendre photographe sous prétexte que l’on maitrise Photoshop. Arrêtez Photoshop à excès.
    À tout « Photoshoper », on oublie que l’on regarde un ciel étoilé. On ne voit plus qu’un « tableau ».
    Où se trouve la réalité du ciel étoilé ? Où se trouve l’émotion de la nuit ? Des étoiles ? Tout est effacé au profit d’une esthétique banalisée, standardisée…
    je croirais Bastien Foucher quand il publiera les photos « Avant » et « Après ». Je ne crois pas en une simple correction de colorimétrie et autres…
    Ces photos me font penser aux fonds d’écran Apple. Rien de plus…

  3. Denis,

    Les photographies astronomiques sont prises avec des couleurs recomposées. On prend en général 4 plans de couleur, chacun centré sur une longueur d’onde bien précise qui correspond à certains pics d’émission de lumière des constituants des nébuleuses. Certains de ces pics se trouvent en dehors de la lumière visible à l’oeil humain, par exemple la raie H-alpha à 656 nm, ou Soufre II à 672 nm (l’oeil humain n’est plus sensible au rouge au delà de 645 nm environ).

    On doit donc réaffecter ces plans à des couleurs visibles pour nous, simples humains. Ainsi la bande Oxygène III sera affectée au bleu, la bande Hydrogène Alpha au vert et la bande Soufre II au rouge.

    On prend aussi une série d’images « sans filtre » pour capter la luminance qui va donner les détails à l’image.

    C’est pourquoi au final on arrive à ces photos au rendu assez singulier : effectivement les couleurs sont artificielles, mais de toutes façons, sans cet artifice, les images seraient tout simplement invisibles à nos yeux !

    Quant à l’émotion du ciel étoilé, qui s’en soucie de nos jours à part les astronomes amateurs : tout le monde veut au contraire plus d’éclairage pour allumer le ciel et mieux voir la façade de sa maison, ou la crotte de son chien à 3 h du matin…

    A+

    Fred