Disparition

Mort du Japonais Ikko Narahara, photographe des marges

Représentant brillant de la nouvelle photographie japonaise d'après-guerre et cofondateur de la légendaire agence Vivo, Ikko Narahara est mort ce dimanche à Tokyo à l'âge de 88 ans.
par Clémentine Mercier
publié le 20 janvier 2020 à 18h48

Le collectif Vivo, groupe de photographes japonais d'après-guerre, vient de perdre l'un de ses membres fondateurs. Ikko Narahara est décédé dimanche à 88 ans d'une insuffisance cardiaque à Tokyo. Avec les photographes Shomei Tomatsu, Kikuji Kawada, Akira Sato et Akira Tanno, Ikko Narahara a contribué à créer le mouvement «Ecole de l'image», dont le style laissera une empreinte durable sur l'esthétique photographique japonaise des années 60 et 70. Dissous dès 1961, après quatre ans d'activité seulement, le collectif Vivo n'en demeure pas moins une référence mythique.

Né en 1931 au Japon, dans la préfecture de Fukuoka, Ikko Narahara s'intéresse à la photo dès 1946. Il étudie d'abord l'art avant de devenir pleinement photographe. Inscrit en maîtrise de l'histoire de l'art à l'Université Waseda, il se rapproche des artistes d'avant-garde du groupe Jitsuzaisha (Real Existence), composé de Masuo Ikeda et du néodadaïste Ay-O. A cette époque, Narahara fréquente des artistes comme On Kawara et le surréaliste Shuzo Takiguchi. C'est à cette même période qu'il rencontre Shomei Tomatsu et Eikoh Hosoe, pour créer l'agence indépendante Vivo en 1957. Fort d'un style épuré, en noir et blanc, Ikko Narahara s'est rapidement imposé sur la scène japonaise puis mondiale en photographiant hors du Japon, à Paris ou à New York notamment. Il a même vécu à New York et fait partie de l'exposition «New Japanese Photography» au MoMA (New York) en 1974, qui faisait état de ce renouveau de la photographie japonaise.

Une expo en 2002 à la Maison européenne de la photographie

Dès les années 50, Ikko Narahara s'éloigne du photojournalisme didactique pour élaborer une vision plus personnelle, empreinte d'ombre et de lumières. C'est son approche documentaire et libre, mêlée à un regard au surréalisme contemplatif qui font son style. Ses sujets aussi : Ikko Narahara s'est intéressé aux marges, aux espaces inhabités, aux lieux clos, aux prisons pour femmes, aux monastères et aux populations insulaires. En 1956, son exposition «Human Land» le fait connaître. Ikko Narahara s'est penché sur le sort des 2 000 ouvriers de l'île de Hashima (Battleship Island) au large de Nagasaki. Des travailleurs coupés du monde, Narahara retient les conditions de vie difficiles, le paysage abrupt, les visages expressifs et les machines imposantes. Il s'est aussi attardé sur l'île de Sakurajima, dans la préfecture de Kagoshima, qui a subi une gigantesque explosion volcanique – la plus puissante du Japon du XXe siècle en 1914 – et a laissé des villages couverts de cendres.

Collection Maison européenne de la photographie

A partir des années 70, Ikko Narahara sillonne les Etats-Unis et capte les paysages mythiques du rêve américain, les grands espaces, les motels et les casinos. En 2002, la Maison européenne de la photographie à Paris lui a consacré une exposition, tout comme le Festival de Mérignac l’an dernier.

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