Toulouse : l’Afrique en portraits au Château d’Eau
Le Château d’Eau, à Toulouse, a la judicieuse idée de nous offrir une exposition très rafraîchissante en cet automne qui ne l’est pas vraiment. A l’affiche : Sanlé Sory et ses années "Bobo yéyé".
Photographe de studio burkinabé né en 1943, Sanlé Sory a réalisé des milliers de portraits dont on découvre une toute petite partie au Château d’Eau. L’homme, longtemps inconnu hors de sa ville, Bobo-Dioulasso, a travaillé pour une clientèle populaire, principalement entre 1960 et 1983. A l’époque, le pays s’appelait encore la Haute-Volta et mettait toute son énergie à s’affranchir d’un colonialisme récent. Et à oublier un quotidien difficile en se jetant à corps perdu dans la musique et la fête. Sur les images au format carré (caractéristiques du Rolleiflex), la jeunesse porte casquettes et nœud pap, lunettes voyantes, pantalons patte d’eph’, blousons customisés (dont un en hommage à Jimi Endrix !). A l’extérieur, les bagnoles sont des DS ou des 2 CV, les deux roues de solides Mobylettes. Les groupes à la mode, immortalisés par Sanlé Sory, s’appellent Brother Ngomalioh & His Afro Combo ou les Imbattables Léopards.
Grand Connaisseur de la photographie africaine, le Toulousain Philippe Guionie a rencontré Sanlé Sory une fois, chez lui, à Bobo-Dioulasso, deuxième grande ville du Burkina Faso.
Modeste artisan
"C’est un homme affable, bienveillant, très proche de son quartier. Dans son studio, les clients avaient à leur disposition des décors naïfs peints sur des bâches, propres à faire voyager ; à exprimer ce que l’homme africain imagine de la richesse, de la modernité, de la gloire."
Comme les désormais célèbres Seydou Keïta (1921-2001) et Malick Sidibé (1936-2016), Sanlé Sory a longtemps officié dans l’ombre, tel un modeste artisan. "Comme ses aînés, il n’avait aucune conscience de l’aspect artistique de son travail. Il faisait son métier, répondait à des commandes, rajoutait souvent une pincée d’humour. Sa pratique était liée au quotidien, à ce qui rythme la vie des gens, aux moments de célébrations comme les mariages."
Et comme ses aînés, Sanlé Sory a bénéficié du coup de pouce d’un Français, Florent Mazzoleni, qui, à partir de 2011 a vu combien ce fonds photographique recelait de pépites. "C’est un regard extérieur comme le nôtre qui perçoit tout cela comme une œuvre artistique, conclut Philippe Guionie. On y voit comment un témoignage hyperlocal montre toute une société, une époque, des mouvements de mode." Qui aujourd’hui nous amuse et nous touche.
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