PUBLICITÉ - La marque Nikon commercialise pour son centenaire un modèle haut de gamme, le D850, disponible pour près de 3800 euros. Un appareil trop sophistiqué pour être utilisé par des femmes? C'est la question que pose le site spécialisé Fstoppers à l'entreprise japonaise. Pour lancer son nouvel appareil, Nikon a constitué une équipe de 32 ambassadeurs, tous photographes professionnels basés en Asie, en Océanie, au Moyen-Orient ou en Afrique. Parmi tous ces visages, pas une seule femme.
"Est-il possible que le D850 ne soit en fait que pour les hommes, et que Nikon prévoit la sortie d'un D850w rose et à paillettes pour qu'il puisse être utilisé par les femmes ?", interroge Fstoppers avec ironie. Face à cette campagne de promotion, beaucoup de femmes photographes et photojournalistes s'indignent sur Twitter.
"J'imagine qu'il ont oublié de m'inviter?", réagit Lynsey Addario, photographe de guerre américaine qui a notamment couvert les conflits en Afghanistan, Irak, Libye, Syrie...
Pourtant ambassadrice de la marque aux États-Unis, elle fait écho à l'article de Fstopper. "Hey, Nikon, n'hésitez pas à diversifier votre répertoire", interpelle aussi Nikon sur Twitter l'Américaine Monique Jaques, qui couvre depuis six ans le Moyen-Orient, l'Afghanistan et l'Afrique de l'Ouest. "C'est complètement embarrassant", indique de son côté Kainaz Amaria. "Aucun photographe sur cette photo de groupe ne s'est dit qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas!!?!?".
En réponse, la marque japonaise a "remercié" tous ceux qui ont partagé leurs avis.
Dans un mail reçu par le New York Times, Nikon indique: "Ces circonstances malheureuses ne reflètent pas la valeur que nous accordons aux femmes photographes et à leur énorme contribution au domaine de la photographie". Et de poursuivre: "Nous comprenons la nécessité de continuer à améliorer la représentativité des femmes".
Ces ambassadeurs ne sont qu'une partie de la campagne de promotion, rassure l'entreprise, qui précise qu'aux États-Unis, les photographes Tamara Lackey et Dixie Dixon ont été choisies pour représenter ce nouveau modèle.
Dans son rapport annuel pour l'année 2016, que cite le New York Times dans son article, Nikon mentionnait déjà la promotion des femmes au sein de son entreprise comme un "problème prioritaire". En mars 2016, il n'y avait parmi ses employés que 10,6% de femmes. Parmi les cadres, cette proportion tombait à 4,7%.
Discriminations et harcèlement pour les femmes photographes
"Ces excuses sont insuffisantes", juge la photographe Monique Jaques, interrogée par le HuffPost. "Ils rejettent le blâme sur les femmes qu'ils ont contactées" et qui n'ont pas pu venir, "même s'ils ne veulent pas dire combien l'ont été -pas beaucoup, j'imagine. L'univers de la photographie est un univers misogyne".
Dans un autre article, le New York Times rappelait les problèmes de remarques sexistes, de harcèlement sexuel, qui s'ajoutent aux discriminations de genre.
Elles sont plusieurs photographes à s'être engagées pour mettre en lumière le travail de leurs consœurs à travers l'initiative Women Photograph, un collectif de femmes photographes qui accorde également des bourses et des tutorats pour qu'elles puissent mettre en valeur leur travail. 111 femmes sont enregistrées dans cette base de donnée. "Nous sommes trop souvent ignorées", explique Monique Jaques.
"Les rédacteurs en chef n'appellent pas les femmes"
La photographe Arati Kumar-Rao va dans le même sens. "Nikon se trouve des excuses", accuse-t-elle. Et les excuses de la marque "ajoutent l'insulte à la blessure".
"Le plus souvent, les rédacteurs en chef n'appellent pas les femmes", résume-t-elle. Et ces problèmes de représentation vont au-delà des inégalités de genre. "La plupart des médias occidentaux parachutent des hommes blancs pour des reportages sur le sous-continent indien. Ils perdent la possibilité de voir l'histoire racontée d'un autre point de vue, qui comprendrait peut-être mieux ce milieu."
Pour elle, "en tant que femme de couleur travaillant dans un pays en développement, j'ai l'impression d'avoir les dernières miettes pour le moindre article". Et si le chemin reste long à parcourir, elle espère que la photographie s'enrichira en permettant à davantage de voix de s'exprimer.
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