Cru, léché, décadent : le monde vu par Helmut Newton, à Lille
Soixante-dix-huit formats moyens en noir et blanc : 42 saisis par le photographe d’origine allemande mort il y a presque dix ans, 36 signés Alice Springs, qui fut sa femme durant plus d’un demi-siècle. Car l’actrice australienne passe elle aussi derrière la focale au début des années 1970. « En 1971, Newton a une crise cardiaque. Sa femme assure une commande à sa place, et ça se passe très bien, relate Aline Reynaud-Paligot, médiatrice de la Maison de la photo. Comme elle avait été elle-même actrice, elle instaure une relation très simple avec ses modèles. » Tout en se plaçant dans le même sillage que son mari.
Photographe pour des magazines de mode à partir des années 50, Newton en brise assez vite les codes en injectant un érotisme froid, presque inquiétant, mettant en scène des femmes fatales dénudées à la beauté glaçante, des viragos starlettes parachutées dans des environnements étrangement banals, une jet-set décadente… On reconnaît immédiatement une photo d’Helmut Newton. « Il voulait être cinéaste. Du coup, son style est très narratif, il travaille la photo comme un art. Il était aussi tellement provoc’ qu’il repousse les limites du publiable. » On croise cette femme, dont la chevelure se confond avec la fourrure, loucher sur un urinoir (occupé) dans un parc. Aussi un portrait « classique » de Jeanne Moreau. Et un autoportrait du photographe, des fils plantés dans le crâne comme dans Brazil de Terry Gilliam. Conscient des névroses qu’il n’a fait qu’imprimer sur papier glacé.
« Helmut Newton & Alice Springs », vernissage ce jeudi à 18 h30. Jusqu’au 25 janvier 2014, du lundi au vendredi de 10 h à 18 h, le samedi de 14 h à 18 h, à la Maison de la photographie, rue Pierre-Legrand à Lille. Gratuit.