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La photographie «reléguée» au second plan par le ministère de la Culture

En 2018, la délégation de la photographie avait permis à la profession d'obtenir une victoire à Arles afin de rémunérer les photographes qui exposaient dans le cadre des Rencontres.
En 2018, la délégation de la photographie avait permis à la profession d'obtenir une victoire à Arles afin de rémunérer les photographes qui exposaient dans le cadre des Rencontres. BERTRAND LANGLOIS / AFP

Dans une lettre ouverte envoyée à la ministre de la Culture, les professionnels de ce secteur expriment leur colère. Ils s'opposent à la transformation de la délégation de la photographie en un simple bureau au sein du ministère. Ce «déclassement administratif» les inquiète pour leur avenir.

«Rien n'est supprimé, quelle idée !», insiste-t-on au ministère de la Culture. «La délégation de la photographie devient un bureau et elle y gagne plus qu'elle n'y perd», ajoute-t-on. Faux, assurent les professionnels de la photo qui ne le voient pas du tout de cet œil-là. Il s'agit là tout bonnement d'une sous-exposition de leurs métiers. Dans une lettre ouverte à la ministre de la Culture publiée le 25 janvier, syndicats de photographes, festivals et sociétés de droit d'auteur expriment leur «plus grande colère» contre cette décision prise, selon eux, en catimini, par décret le 31 décembre dernier.

«On est tombé de notre chaise quand on l'a appris», raconte Erick Gudimart, directeur du Centre Photographique Marseille et président du Réseau Diagonal qui accompagne les photographes dans leur travail. «C'est comme si on faisait passer des gens d'un appartement de 100m2 à un 20m2», illustre Pierre Ciot, président de la société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe (SAIF). Selon lui, la photographie est rétrogradée au sein du ministère et perd ainsi en poids et en moyens. Imaginée sous Frédéric Mitterrand, la délégation de la photographie est créée en 2018 par Françoise Nyssen, alors ministre de la Culture dans le but de mener des actions globales en faveur du secteur. «Elle a été créée pour régler les problèmes spécifiques à notre secteur», rappelle Pierre Ciot. Il donne en exemple la 49e édition des Rencontres Photographiques d'Arles. En 2018, les photographes ont obtenu, sous l'impulsion du ministère et de la délégation, d'être rémunérés pour leur exposition. «Notre écosystème est important et divers, des photographes de presse aux photographes de mariages», explique ce professionnel. D'où la nécessité de cette délégation. «Ce sont des statuts sociaux différents pour chaque pratique de la photo pour lesquels il faut un interlocuteur unique qui connaisse le milieu», souligne Pierre Ciot. «La délégation est justifiée par la particularité de la photographie. Elle n'est pas qu'un art visuel et ses problèmes doivent être abordés de manière transversale», précise à son tour Erick Gudimart.

«Pas une priorité»

«On s'attendait à ce que le ministère ait en ce moment d'autres priorités que de réformer son organigramme», soupire Pierre Ciot. Pour lui, le symbole est fort : «Passer à un simple bureau fait qu'on aura au minimum trois ou quatre étages à grimper, et autant d'intermédiaires, pour pouvoir atteindre la ministre. Quand on connaît les lois de l'administration, ce n'est pas négligeable...» Pour Erick Gudimard, il n'y a pas que le symbole qui compte dans cette affaire. «On avait enfin un endroit où l'on bâtissait des mécanismes vertueux et, là, il est balancé d'un revers de manche, déplore-t-il. C'est une perte hiérarchique, on se retrouve devant le fait accompli sans avoir participé à sa décision. C'est désespérant.»

Le secteur de la photo et des arts visuels a bénéficié des sommes les moins importantes du fonds d'urgence de Bercy

Pierre Ciot, président de la société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe (SAIF)

De ce nouveau bureau de la photographie, les professionnels ne connaissent pour l'instant ni le budget ni les attributions exactes. La preuve selon eux que leur secteur n'est pas ou plus «la priorité» du ministère. «On l'avait déjà vu sur les aides de 2020 pour faire face à la crise. Le secteur de la photo et des arts visuels a bénéficié des sommes les moins importantes du fonds d'urgence de Bercy», constate Pierre Ciot. «Il y en a beaucoup des bureaux isolés et perdus au ministère, dit Erick Gudimard. À court terme, ça ne va peut-être rien changer mais à moyen et long terme, c'est la garantie de conséquences concrètes, d'une perte de présence »

Pas du tout répète-t-on rue de Valois. Dans le magazine Polka , la ministre de la Culture a répondu le 19 janvier au mécontentement des professionnels. Roselyne Bachelot explique que «le changement de nom de délégation à bureau ne va pas changer d'un iota les membres de l'équipe, ni son périmètre, ni son importance, ni ses missions. » Avant d'ajouter que cette nouvelle organisation est conçue pour «mettre l'art photographique aux côtés des autres disciplines artistiques, avec le même poids, les mêmes enjeux, mais avec des connexions en plus… » De quoi raviver la colère de Pierre Ciot. « Alors pourquoi ont-ils changé si ça n'a pas d'incidence ? Si c'est la même chose, ils n'avaient qu'à laisser notre délégation telle qu'elle était.»

Cinéma, théâtre, musique... Les étudiants-journalistes d'IPJ, l'Institut Pratique du Journalisme de l'Université Paris Dauphine , proposent leur regard sur l'actualité culturelle. IPJ Dauphine

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