Vue de l’exposition «Silver Memories» de Daphné Le Sergent au Casino Luxembourg. (Photo: Mike Zenari) 

Vue de l’exposition «Silver Memories» de Daphné Le Sergent au Casino Luxembourg. (Photo: Mike Zenari) 

Daphné Le Sergent présente au Casino Luxembourg, dans le cadre du Mois européen de la photographie, une exposition qui interroge la photographie d’un point de vue économique et géopolitique, tout en étant très artistique.

C’est dans le cadre de la 8e édition du Mois européen de la photographie, placé sous le thème «Rethinking Nature/Rethinking Landscape», que Daphné Le Sergent a l’opportunité d’exposer au Casino Luxembourg. Invitée par Paul di Felice, cette artiste française d’origine coréenne (née en 1975) propose un point de vue très intéressant et original sur la photographie, tout en y apportant un traitement plastique très sensible et d’une grande poésie.

Dans son exposition «Silver Memories», Daphné Le Sergent pose l’hypothèse que le minerai d’argent, essentiel au processus de la photographie argentique, est en train de se raréfier, et est donc menacé. Avec sa disparition, c’est l’existence même de la photographie argentique qui est remise en question. De là, elle développe un narratif artistique qui a pour cœur la photo argentique, mais qui étend ses ramifications vers des questionnements économiques, géopolitiques, environnementaux.

Sa proposition se décline en deux temps, deux salles. Dans la première, plongée dans le noir, sont présentées des photographies retravaillées à la mine de plomb. «À travers ces œuvres, je pars du postulat que si les sels d’argent disparaissent, alors la mine de plomb prend le relais», explique Daphné Le Sergent. Des paysages rocailleux sont photographiés en grand format, et certaines parties de l’image sont retravaillées à la main, recouverte par la mine de plomb. «C’est aussi un travail sur la distance des images. On passe du lointain au très rapproché, l’œil appréhende un vaste paysage, et capte en même temps les détails du trait de crayon. On entre dans un va-et-vient entre l’œil et la main, entre l’acte de photographier et de dessiner, tous deux reliés par l’extraction minière réalisée à la main par des ouvriers.» Par ce jeu de superpositions et de confrontations, l’artiste parvient à souligner les conditions d’exploitation et d’effort nécessaires à l’extraction du minerai, met en exergue les conditions géopolitiques, qui permettent l’épanouissement de la technique photographique et de sa pratique artistique.

Dans la même salle se trouvent deux faux daguerréotypes. L’un d’eux est non pas argenté, mais doré, et évoque ainsi l’incroyable histoire d’Hercule Florence, qui a également découvert le procédé photographique, non pas avec du sel d’argent, mais de l’or, invention qui est totalement passée sous silence et n’a jamais connu de succès.

Dans la seconde salle, le visiteur peut s’installer pour regarder une installation vidéo qui retrace l’histoire de la photographie selon une perspective liée à l’extraction et à la fabrication du métal. «C’est une histoire alternative de l’histoire de la photographie», explique Daphné Le Sergent. «Elle s’appuie sur des faits et des données réels, comme les fluctuations boursières de l’argent ou les conditions d’extraction de l’argent.» Tout commence avec le trésor de l’Eldorado, la découverte de ce stock incroyable de minerai, puis son exploitation pour les besoins industriels, jusqu’à la surexploitation des ressources naturelles, la spéculation boursière et la solution alternative, la photographie numérique. Et si, finalement, tout ceci n’était qu’un regard porté sur sa propre finitude?

«Silver Memories», de Daphné Le Sergent, au , du 3 avril au 6 juin