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Patrick Zachmann. Voyages de mémoire : une exposition photographique d’envergure au musée d’art et d’histoire du Judaïsme

22 décembre 2021
Par Félix Tardieu
 Prière, rue des Rosiers, Paris, 1979
Prière, rue des Rosiers, Paris, 1979 ©Patrick Zachmann / Magnum Photos

Jusqu’au 6 mars 2022, le MahJ (Musée d’art et d’histoire du Judaïsme) accueille sa première exposition d’envergure consacrée à un photographe vivant en la personne de Patrick Zachmann, membre de l’agence Magnum.

« Je suis devenu photographe parce que je n’ai pas de mémoire », ironise Patrick Zachmann pour décrire sa vocation. Tout au long de sa carrière, le photographe français a travaillé à exhumer, à travers son objectif, des mémoires enfouies et oubliées, sillonnant les quatre coins du globe (Afrique du Sud, Chili, Rwanda, Pologne, Ukraine, etc.) à la recherche de ces images manquantes. Patrick Zachmann. Voyages de mémoire, première monographie du MahJ entièrement dédiée à un photographe vivant, présente quelques 300 oeuvres du photographe courant des années 1970 aux années 2015, revues dans un ordre chronologique.

Cette vaste rétrospective revient notamment sur la longue enquête de Patrick Zachmann sur la communauté juive de France, le photographe partant alors sur les traces de sa propre identité. Petit-fils de déportés,il part à la fin des années 1980 à la rencontre de la communauté juive, des plus orthodoxes – à l’image des hassidim – aux plus laïques, de la rue des Rosiers aux Buttes-Chaumont, de Paris à Marseille, à une époque où les attentats antisémites se multiplient. Zachmann tente de saisir une identité « intérieure », loin des clichés. En 1981, il couvre le premier rassemblement mondial des rescapés de la Shoah à Jérusalem. Ses portraits de survivants et de survivantes sont là pour fixer la mémoire, pour retarder l’horizon de la disparition. 

Parc des Buttes-Chaumont, 1983 (À droite, Jacques et Hélène Grabstock) ©Patrick Zachmann / Magnum Photos

Ce travail de longue haleine que restitue soigneusement l’exposition pousse peu à peu le photographe à sonder une histoire familiale nimbée de silence. En miroir de cet effort d’introspection, Patrick Zachmann part en reportage au Chili, au Rwanda ou en Afrique du Sud, à la recherche des traces mémorielles des victimes des dictatures politiques et des génocides. Ces « enquêtes de mémoire » le conduisent en 2000 à Auschwitz-Birkenau, là où furent déportés ses grands-parents paternels, d’où il rapporte de nombreuses images. Quelques années plus tard, il réalise un film sur sa mère – Mare mater (2013) – prolongeant ainsi un travail similaire sur son père, présenté dans l’exposition. À cette occasion, le photographe effectue plusieurs voyages au Maroc et en Algérie, sur les traces de ses ancêtres maternels.

Patrick Zachmann, Autoportrait avec ma mère, Paris, 1983.©Patrick Zachmann / Magnum Photos

Par ailleurs, Patrick Zachmann sera l’un des premiers photographes à documenter l’incendie de Notre-Dame en 2019 : un accès hautement privilégié qui donnera naissance à un ouvrage inédit, paru en octobre dernier, sur la  reconstruction de la cathédrale. Preuve que Patrick Zachmann, même lorsqu’il ne se penche pas directement sur les visages et les corps, demeure obsédé par les trous de mémoire de l’Histoire, par la question de la trace et de l’oubli, toujours guidé par le puissant révélateur que constitue l’appareil photographique. 

Patrick Zachmann. Voyages de mémoire au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (Paris 3e), jusqu’au 6 mars 2022 – Mar. jeu. et ven. de 11h-18h, le mer. de 11h à 21h et le week-end de 10h à 19h – Plein tarif : 10€ / TR : 7€

Catalogue de l’exposition disponible ici.

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste