Votre navigateur est obsolète. Veuillez le mettre à jour avec la dernière version ou passer à un autre navigateur comme ChromeSafariFirefox ou Edge pour éviter les failles de sécurité et garantir les meilleures performances possibles.

Passer au contenu principal

Livres d’imagesPhoto Poche accueille Horvat, Fosso et Sluban

La mode dans la rue selon Frank Horvat.

C’est un peu comme la Pléiade, en moins cher et surtout plus mince. Il n’y a pourtant pas de papier Bible dans la collection Photo Poche. Les images doivent se voir imprimées sur une belle matière, flattant notamment le noir et blanc. C’était en tout cas l’idée de Robert Delpire, mort en 2017. L’homme avait créé cette série en 1982, avec la bénédiction apostolique du Ministère de la culture. On était alors au début de l’ère François Mitterrand. Jack Lang tentait de démocratiser la culture. Les Photo Poche correspondaient parfaitement à la promotion désirée du 8e art et à la naissance du Centre national de la photographie. Encore argentiques à l’époque, les images mécaniques devaient se répandre. Elles n’étaient plus le parent pauvre, voire l’enfant illégitime de la création.

«Etre publié dans Photo Poche est devenu le signe de consécration d’une œuvre.»

Géraldine Lay, directrice de la collection

La série en arrivera à son 171e titre avec Erwin Blumenfeld, qui viendra inclure dans la série un de ces grands noms américains qui lui manquent, sans doute pour des questions de droits. Il n’y a pas de Photo Poche pour Irving Penn ou Richard Avedon, par exemple. Le 170e sera un Charlotte Perriand, même si j’avoue préférer nettement la designer à la photographe. Mais il s’agit aussi de promouvoir les femmes, encore très minoritaires ici. Le 168e volume, consacré à Samuel Fosso, servait après tout lui aussi à renforcer la très faible présence de l’Afrique. Elle se résumait selon moi à un Seydou Keïta (No 63) et à un Malick Sidibé (No 145). Dirigée depuis 2019 par Géraldine Lay, qui a modifié à mon grand dam la couverture pour imposer le blanc à la place du noir d’origine, la collection aujourd’hui assumée par Actes Sud se doit de devenir «plurielle», comme on dit en novlangue. La chose s’impose, comme pour tout ce qui tient de la véritable institution. L’actuel dossier de presse le confirme. «Etre publié dans Photo Poche est devenu le signe de consécration d’une œuvre.» Il semble désormais bien loin, le temps où les artistes les plus connus se faisaient tirer une oreille (voire les deux) pour accepter d’y entrer…

La couverture du Sluban.

Certains titres se voient rafraîchis, à l’instar des façades que l’on nettoie périodiquement. C’est le cas du Frank Horvat (No 88), qui ressort aujourd’hui sous le nouvel emballage blanc encadré d’un ton pastel. Ici le bleu. Le cas apparaît typique. L’Italien de France est mort en 2020, nonagénaire. Sa trajectoire est maintenant terminée, même si les images les plus connues remontent à la fin des années 1950 ou au début de la décennie suivante. La sélection s’arrête d’ailleurs vers 1985, avec les fameuses vues en couleurs (presque) sans couleurs de New York. On sait que l’homme s’est toujours partagé entre le reportage et la mode. Cette dernière semblait un peu trop frivole à celui qui se voulait placé sous l’égide d’Henri Cartier-Bresson. Ce dernier, comme tous les géants, a fait beaucoup de dégâts collatéraux. Il n’est jamais bon de trop vouloir se faire imiter. Il semble maintenant clair que le meilleur de Francesco Horvat, dit Frank Horvat, se situe dans la couture. L’homme a su la faire descendre dans la rue. Tout simplement. Sans l’expressionnisme, par ailleurs vigoureux et stimulant, de William Klein.

Travestissements africains

Samuel Fosso (No 168) reste avant tout connu pour ses autoportraits. Né en 1962 au Cameroun, l’enfant aurait dû devenir guérisseur, puis cordonnier. La vie en a décidé autrement. Il y a eu la maladie. Puis la guerre, qui a obligé les siens à se cacher trois ans dans une forêt du Biafra. Samuel a ouvert son premier studio à treize ans. Il tirait le portrait des gens. La fin des rouleaux de pellicule était utilisée pour se mettre en scène. D’abord de manière primitive. Puis d’une façon toujours plus sophistiquée, avec accessoires et travestissements. Il est permis de penser à son aînée de huit ans Cindy Sherman, qui a suivi la même trajectoire aux USA. L’intérêt, puis la reconnaissance sont venus peu à peu. J’ai ainsi découvert Fosso aux «Rencontres» d’Arles. Une partie de son œuvre s’était perdue peu auparavant. Le studio de Bangui avait été pillé en 2014 durant une nouvelle guerre. L’Afrique multiplie ainsi les soubresauts…

La couverture du Samuel Fosso.

Kladij Sluban n’était pas un inconnu pour les amateurs de Photo Poche(s). La maison ne publie en effet pas que des florilèges. Outre de l’«Histoire» ou des «Notes», elle sort également des Photo Poche Société. «Entre parenthèses», qui reflète le travail de très longue haleine (il a commencé en 1995…) de l’artiste dans les prisons pour adolescents du monde entier, constituait ainsi le volume S12. L’œuvre de cet Ex-yougoslave, né à Paris en 1963, ne se limite cependant pas qu’à une seule série, si importante et si forte soit-elle. D’où la nécessité d’un autre livre, où l’opus carcéral se retrouverait encadré par des «Transsibériades» ou des «Divagations». Le public devait retrouver dans son intégralité le style très personnel, parfois minimal ou abstrait, de celui qui ne veut appartenir à aucune agence afin de rester libre. L’amateur découvre ainsi un regard sans concession, toujours tourné vers l’Est. La Slovénie des origines mais aussi, un peu plus loin, le Japon ou la Chine. A force d’Est, Sluban finira par accomplir un tour du monde… Après tout, pourquoi pas?

Pratique

«Frank Horvat», introduction de Virginie Chardin, «Samuel Fosso», introduction de Christine Barthe, «Klavdij Sluban», introduction de Zeljo Kozinc, aux Editions Photo Poche. Pages non numérotées.