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On a testé… le Canon PX, le robot photographe destiné aux familles

L’intelligence artificielle de ce petit robot en fait-elle un bon photographe ? Pour en avoir le cœur net, notre journaliste l’a accueilli cinq jours durant dans sa famille.

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Publié le 22 décembre 2021 à 15h00, modifié le 23 août 2023 à 16h13

Temps de Lecture 4 min.

Le PowerShot PX de Canon, une petite caméra à intelligence artificielle capable de tourner sur elle-même (470 euros).

Je suis le fantôme de ma famille, l’homme qui n’apparaît jamais sur les photos. Bien caché derrière mon appareil, je ne cours pas après la lumière. Mais depuis la naissance de ma fille, je commence à regretter l’absence d’images qui raconteraient notre relation. Voilà pourquoi ce robot photographe de Canon m’intrigue.

Commercialisé mi-novembre au prix de 470 euros, le Powershot PX mitraille automatiquement les « instants importants de votre vie », selon sa page de présentation. Posé dans le salon, il suit nos déplacements grâce au moteur qui l’autorise à tourner sur lui-même, et grâce à son petit zoom optique X3. Haut comme une poire, cet automate aurait-il le pouvoir de me faire réapparaître sur mes photos de famille ?

En attendant la livraison du colis, un doute m’assaille. Un robot peut-il vraiment remplacer un photographe en chair et en os ? Pour capturer de bonnes photos, il faut un début de sens artistique afin de cadrer adroitement, des rudiments d’intelligence sociale pour choisir les moments à immortaliser, une lecture fine des situations pour déclencher au bon moment. Même armé d’une intelligence artificielle, le Powershot PX peut-il être à la hauteur ?

L’« idiot »

Nous laissons cinq jours au petit robot pour faire ses preuves. Cinq longues journées d’hiver passées, pour l’essentiel, dans un salon bien éclairé où il est installé. De longues heures à imaginer des ateliers pour une enfant légèrement malade tout en travaillant par intermittence, suivies de dîners et d’instants de jeu.

Le PX devant le salon où il a officié pendant cinq jours, décollé du mur pour les besoins de la photo.

Le PX se fait immédiatement remarquer : ses alertes sonores sont bruyantes et ses mouvements, voyants. Les premiers instants, ses gesticulations amusent ma famille, mais sa présence nous incommode rapidement. Il nous mitraille à longueur de journée. Ma fille le surnomme « l’idiot », tant il regarde rarement au bon endroit et déclenche rarement au bon moment.

Cinq jours passent et le verdict arrive – sévère, car je suis passionné d’images. Le PX a capturé une avalanche de 1 500 photos et 500 vidéos. Connecté à notre smartphone, le petit robot nous propose une sélection de 50 images fixes ou animées qu’il considère meilleures. Cela devrait être un soulagement, mais c’est l’inverse : je n’y trouve que deux photos relativement bonnes, noyées dans un océan de photos sans intérêt.

L’interminable pellicule du Pixie regorge de photos ratées, parfois en séries presque identiques.

70 bonnes prises

Je ne perds pas espoir : j’écrème manuellement les 2 000 images fixes ou animées capturées par le PX. Grand bien m’en prend puisque j’y déniche beaucoup d’instants ayant échappé à l’outil de tri de Canon : 35 assez bonnes photos et autant de vidéos, souvent courtes, mais qui racontent ma vie de famille. C’est une bonne surprise, c’est vrai, mais elle a un goût amer.

Une des meilleures photos prises par le Pixie, riche d’un échange et d’émotions.

Sortons la calculatrice : ces bonnes images ne représentent que 3 % de la moisson du petit robot. Il m’aura fallu deux heures et demie pour les exhumer de sa pellicule interminable, travail fastidieux au possible, mené dans une application lente, un brin confuse. Cette application se déconnecte du robot à chaque fois qu’on la ferme : on doit la reconnecter à chaque ouverture, via Bluetooth. Manœuvre laborieuse, certes, mais qui a le mérite d’améliorer la sécurité du PX, d’autant plus fiable qu’il n’est pas connecté au Wi-Fi par défaut.

A bien y regarder, la qualité des photos n’est pas exceptionnelle : leur finesse est passable. Même en ce mois de décembre où la lumière naturelle manque aux appareils photo, comme à nous d’ailleurs, un bon smartphone aurait fait mieux. Sans surprise, le PX ne cadre pas non plus avec l’œil d’un artiste. Au mieux, les images sont composées correctement.

Ratages

A sa décharge, le petit robot n’est pas doté de pattes, il ne peut pas tourner autour des sujets comme le ferait un passionné pour trouver un meilleur cadrage. Collé au mur, il est souvent condamné à photographier des personnages de dos. Cela arriverait moins souvent s’il était placé en hauteur au milieu de la pièce, mais c’est impossible chez moi. Grâce à sa batterie, on peut le débrancher du secteur, pour le rapprocher de nous. Mais les photos capturées demeurent généralement décevantes, et le PX tombe en panne d’énergie au bout d’une quinzaine de minutes.

L’image, que nous avons ici coupée pour la grossir d’un facteur 2, manque cruellement de netteté.

En parcourant sa pellicule sur mon smartphone, je suis frappé par la quantité de moments touchants que le petit robot n’a pas senti arriver. Je me souviens nettement qu’au moment où ma fille dansait, le PX regardait un mur. Quand elle évoluait sur un parcours moteur acrobatique, il oubliait de filmer, comme quand le chat tentait de rentrer dans un carton trop étroit. En revanche, le petit robot ne m’a pas raté : il a capturé mon portrait devant mon ordinateur plus de 500 fois. Une photo totalement dénuée d’intérêt répétée à l’infini.

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Dans sa pellicule, on trouve encore une douzaine de clichés culpabilisants me montrant en train de travailler pendant que ma fille s’ennuie, ou plus tard, consultant mon smartphone pendant un dîner. Le PX pose un regard neutre et froid sur le quotidien auquel je ne suis pas habitué, moi qui cherche plutôt à documenter les moments heureux de ma famille. L’intelligence artificielle devra apprendre l’intelligence émotionnelle.

Cette image pourrait être l’œuvre d’un photographe « auteur » au regard cruel, en reportage dans une famille où les parents négligent leurs enfants.

Merci mais au revoir

Malgré mes mésaventures, je suis heureux d’avoir hébergé le petit robot de Canon. Il m’a offert quelques dizaines d’images documentant mes rapports avec ma fille. Des photos et vidéos imparfaites, certes, mais qui me manquaient vraiment. J’avoue cependant qu’après cinq jours en sa compagnie je n’ai pas eu trop de scrupules à le renvoyer à son fabricant.

Le PX est un appareil trop intrusif, qui produit une montagne d’images grandissant à chaque instant. Cette pile angoissante doit être triée à la main, ce qui prend facilement une heure par semaine. Qui est prêt à y investir autant de temps ? Même en laissant l’appareil branché pour les grands événements seulement, l’effort d’écrémage demeure considérable.

Avec sa tête motorisée, le concept du PowerShot PX continue de me séduire. J’espère toujours qu’il arrivera à maturité, même si je doute qu’une intelligence artificielle se révèle à la hauteur de sitôt. Pour l’heure, sans être aussi mauvais que l’un ou aussi bon que l’autre, le petit robot de Canon est à mi-chemin entre la caméra de surveillance et le photographe passionné. En attendant, je reprends l’habit du photographe de l’ombre de ma famille.

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