Exposition

Regards de Femmes une photographie engagée pour les 10 ans de la Fondation A

Graciela Iturbide, Madonna, Ciudad de México, 1980

©Graciela Iturbide, avec l'aimable autorisation de Toluca Editions et de l’artiste.

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Par Xavier Ess

L’exposition anniversaire des 10 ans de la Fondation A consacre le regard de femmes photographes et aussi, très prégnant, celui d’Astrid Ullens de Schooten Wettnall, grande collectionneuse qui créé la Fondation A en 2012.    

Le travail de Judith Joy Ross inaugura la Fondation en 2012 -  Ora Knowell, Protesting the U.S. War in Iraq, March on Washington, Washington, DC, 2007
Le travail de Judith Joy Ross inaugura la Fondation en 2012 - Ora Knowell, Protesting the U.S. War in Iraq, March on Washington, Washington, DC, 2007 © Judith Joy Ross

La Fondation A, c’est l’écrin de la photographie documentaire dans la capitale. Une photographie engagée, principalement en noir et blanc et de petits formats. Astrid Ullens préfère le rapport intime à l’image, et puis les grands formats prennent trop place…

Regards de Femmes rassemble 19 photographes d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Amérique latine qui ont " toutes en commun un engagement au sein de leur communauté avec une volonté de dénoncer, de rompre les codes et de faire  bouger les lignes sur la question de la justice sociale, de la féminité, de l’environnement ", selon les mots de la commissaire Béatrice Andrieux.

Helen Levitt, N.Y., ca.1940
Helen Levitt, N.Y., ca.1940 © Film Documents LLC, avec l'aimable autorisation de Galerie Thomas Zander, Cologne

Des figures historiques aux propositions conceptuelles

L’objet de l’exposition n’est pas de révéler des talents féminins invisibilisés, même si la question du regard des femmes et sur les femmes est présent. Des stars il y en a, comme Lisette Model, Helen Levitt et en ouverture, la prêtresse de la photo engagée auprès de communautés marginalisés, Diane Arbus avec de saisissants portraits et un rare autoportrait de la photographe enceinte. Face à elle, la plus jeune des artistes de l’expo, la péruvienne Tarrah Krajnak (Prix découverte des Rencontres d'Arles) avec une série frontalement féministe dans laquelle la photographe se réapproprie le regard masculin, celui de l’américain Edward Weston, sur la photographie de nu féminin. Krajnak recrée les poses du livre Book of Nudes de Weston (1953) et se photographie elle-même munie d’un déclencheur intégré dans l’image. Dans un décor minimaliste de matériaux de chantier, c’est à la construction d’un regard autonome qu’on assiste en une dizaine de clichés.

Tarrah Krajnak, #1 Self-Portrait as Weston/as Bertha Wardell (le nom du modèle) - 1927/2020
Tarrah Krajnak, #1 Self-Portrait as Weston/as Bertha Wardell (le nom du modèle) - 1927/2020 © @ Tarrah Krajnak, avec l'aimable autorisation de Galerie Thomas Zander, Cologne
une autre pose de la série de Tarrah Klajnak, vue de l'exposition
une autre pose de la série de Tarrah Klajnak, vue de l'exposition © Xavier Ess - Rtbf
Gabriele und Helmut Nothhelfer, Mädchen mit Gipsmaske "Kinderfest der alleinstehenden Mütter und Väter" Brauhofstraße, Berlin, 1983
Gabriele und Helmut Nothhelfer, Sommerfest der Synagoge, Berlin-Mitte, 2001
© Gabriele und Helmut Nothhelfer, avec l'aimable autorisation des artistes

 Une autre critique d'une vision essentialisée du regard, transparaît dans le travail du couple Gabriel et Helmut Nothhelfer qui, dans les années 70-80, photographiaient les rassemblements populaires en Allemagne, mais chacun.e de son côté. Au final, les photos sont présentées sous leurs deux noms, sans qu'on sache jamais qui en est l'auteur ou l'autrice.  

Graciela Iturbide, Madonna, Ciudad de México, 1980
Graciela Iturbide, Madonna, Ciudad de México, 1980 ©Graciela Iturbide, avec l'aimable autorisation de Toluca Editions et de l’artiste.
Adriana Lestido, sans titre, 1991-1993 - immersion dans les prisons de femmes à Cuba
Adriana Lestido, sans titre, 1991-1993 - immersion dans les prisons de femmes à Cuba © @Adriana Lestido

Ne jamais détourner le regard

Un thème majeur de l'exposition est un travail de visibilité et de mémoire sur la vie de communautés. Avec la grande photographe mexicaine Graciela Iturbide et ce portrait d'une jeune mère, véritable Madonne à l'enfant contemporaine. Un mur entier témoigne de l'engagement, le militantisme de Judith Joy Ross qui a photographié les activistes anti guerre du Vietnam, comme des adolescents en perdition ou la communauté afro-américaine. Egalement la cubaine Adriana Lestido qui réalise des reportages sur la durée, ici dans les prisons de femmes dans les années 90. Ou encore grande photographe chilienne Paz Errazuriz (82 ans), la Diane Arbus sud-américaine, qui s'est constamment intéressée à la marginalité. Notamment la communauté des travestis de Santiago montrée ici. 

Judith Joy Ross, Mona Park, Allentown, Pennsylvania, 1996
Judith Joy Ross, Mona Park, Allentown, Pennsylvania, 1996 © Judith Joy Ross, avec l'aimable autorisation de la Galerie Thomas Zander, Cologne

Autre volet, c'est celui du paysage comme mémoire. Jo Ratcliffe, photographe sud-africaine qui témoigne de l'impact de la guerre sur les communautés et leur environnement, traite ici de la mémoire des combats durant la longue "Guerre de la frontière sud-africaine" (1966-1988) avec des images d'une grande sobriété de tombes anonymes de combattants. 

Jo Ractliffe, Unmarked grave, Platfontein, 2012
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Jo Ractliffe, Unmarked grave, Platfontein, 2012 . ©Jo Ractliffe, avec l'aimable autorisation de Stevenson, Cape Town, Johannesburg, Amsterdam

"Regards de Femmes" a la qualité de ses prémisses: poser en creux les choix francs opérés par Astrid Ullens : une photographie documentaire d'une grande humanité sur le terrain social, donc politique, plutôt que l'autoportrait ou la photographie plasticienne. Et comme elle l'écrit "Plusieurs d’entre-elles ne sont plus là, mais leurs visions éclairent toujours le monde d’aujourd’hui, elles soulignent ce qui agite et réunit, elles dénoncent ou simplement constatent l’état du monde dans lequel elles vivent."

Regards de Femmes du 24 septembre au 18 décembre 2022. Ouvert du mercredi au dimanche. 

Adriana Lestido, Graciela Iturbide et Tarrah Krajnak sont exposées à la foire internationale Paris Photo 2022 

Portrait d'une future mariée à La Havane - Kattia García Fayat
La boda, La Habana, 1988-1989
Portrait d'une future mariée à La Havane - Kattia García Fayat La boda, La Habana, 1988-1989 © Kattia García Fayat

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