Changement de cap pour Ricoh-Pentax. Le constructeur japonais a récemment annoncé que ses différents modèles seront désormais fabriqués en atelier. De même, les boîtiers photo seront vendus directement au consommateur. Une réforme qui ne concerne cependant que le marché japonais, qui comporte de nombreuses spécificités. Explications.
Un boîtier Pentax mis en situation dans une boutique à Tokyo – © Damien RouéSommaire
Le communiqué du PDG du groupe Ricoh
Dans un communiqué publié le 20 janvier 2022, Noburo Akahane, PDG du groupe Ricoh, a annoncé qu’une importante restructuration de la division Imagerie aura lieu à partir du 1er avril 2022. Concrètement, l’entreprise mettrait un terme à la production des boîtiers Ricoh et Pentax en usine. Elle se dirigerait donc vers une production en atelier.
La 1e version du communiqué indiquait également une réforme des canaux de vente, avec la fin de la distribution en magasin (physique et en ligne), au profit d’une commercialisation en ligne exclusivement. Depuis, les filiales américaines et européennes ont toutes deux indiqué que ceci concerne exclusivement le marché japonais.
Bon nombre d’observateurs ont interprété ceci comme le début de la fin pour Pentax. Et il est vrai qu’à première vue, la fabrication en atelier semble synonyme d’une forte augmentation tarifaire, faisant des boîtiers Pentax des produits de niche façon Leica et Hasselblad.
Les importantes spécificités du marché japonais
Cependant, les spécificités du marché japonais sont à prendre en considération pour comprendre cette décision du groupe Ricoh-Pentax. En effet, la place des boutiques physiques demeure encore très importante au Japon (même si la Covid a forcé les consommateurs à se tourner davantage vers le commerce en ligne).
Des enseignes d’électronique comme Yamada Denki, Bic Camera ou encore Yodobashi Camera demeurent très présentes dans le paysage du retail japonais (avec une vingtaine de magasins à travers tout l’archipel, dans le cas de Yodobashi).
Boutique photo Yodobashi à Tokyo – © Damien RouéOr, ces boutiques semblent entretenir une politique commerciale très agressive, forçant les marques à diminuer leurs prix de vente. Sur le long terme, ceci peut être préjudiciable pour des marques comme Ricoh/Pentax, qui ne bénéficient pas de la même visibilité dans les magasins – et dont les chiffres de vente n’atteignent pas ceux des mastodontes du secteur (Canon/Nikon/Sony).
Par ailleurs, au Japon comme dans le reste du monde, Ricoh et Pentax s’adressent à une cible « de niche », avec des consommateurs qui recherchent les produits de ces marques précises.
Dès lors, l’idée de Ricoh/Pentax de s’affranchir de ces canaux de distribution et de s’adresser directement au consommateur peut être très intéressant. Selon le communiqué de presse du 20 janvier dernier, la marque proposerait donc ses produits via sa boutique en ligne, et envisage également d’ouvrir ses propres boutiques physiques pour « augmenter les points de contact avec [ses] clients et élargir les opportunités d’achat et de communication ».
Vers une production « de type atelier » des boîtiers Ricoh et Pentax
L’autre élément ayant fait couler beaucoup d’encre concerne la production « en atelier » des boîtiers Ricoh et Pentax. Pourtant, là aussi, la spécificité de Pentax (et dans une certaine mesure de Ricoh) est à prendre en compte.
Il paraît aujourd’hui plus que probable que les chaînes de production de Pentax ne tournent pas au même rythme que celles des plus gros groupes. Dès lors, lorsque le communiqué de la marque évoque la production « de masse », la réalité est que la marque fabrique déjà un certain nombre de ses produits à petite échelle, avec de nombreuse opérations réalisées à la main – comme d’autres constructeurs d’ailleurs. On pense notamment aux objectifs de la série Limited, qui visent à incarner l’excellence optique de la marque.
Selon certains observateurs familiers de la culture japonaise, la marque chercherait ainsi à se rapprocher du « monozukuri », un concept désignant la confection d’objets à plus petite échelle, avec une importance de la notion de fierté dans la réalisation et de respect des matières utilisées. Aujourd’hui, il semble probable que Ricoh-Pentax cherche à convoquer cette image dans l’esprit de ses fans. Et la personnalisation des produits semble justement l’un de moyens concrets de tendre vers cette image-là.
Une expérience personnalisée pour chaque photographe
La personnalisation des boîtiers selon les désirs de chaque consommateur est évidemment compatible avec une production à petite échelle. Pourtant, Pentax est déjà coutumier des éditions « custom » (et limitées) de ses boîtiers, réservées au Japon. On pense ainsi au Pentax KP J Limited, lancé en 2019, mais aussi au récent K-1 Mark II J Limited 01 (dont une déclinaison comportait un grip en noyer rouge inédit, fabriquée par un artisan nommé Miroku Techno Wood).
La marque a également proposé des déclinaisons spécifiques de ses boîtiers phares, comme le Pentax K-5 IIs (dénué de filtre passe-bas) ou le Pentax 645Z IR, dédié à la photographie argentique.
De fait, le groupe ambitionne de pousser beaucoup plus loin la personnalisation de ses boîtiers. On peut ainsi imaginer que les acheteurs japonais auront la possibilité de commander un reflex Pentax ou un Ricoh GR III unique, avec un capteur monochrome et un déclencheur et un grip personnalisés.
Edition GRowING du Ricoh GR IIIComme l’indique Noburo Akahane dans son communiqué, la marque entend « construire un système qui permet la fabrication avec les clients, depuis la phase de planification du produit jusqu’à la communication via des réunions de fans en ligne ». S’appuyant sur sa présence en ligne, la marque vise ainsi à associer ses clients à la conception des produits et à proposer des produits plus adaptés à ses demandes.
Quels produits Ricoh et Pentax sont concernés par cette annonce ?
Dans son communiqué, le PDG du groupe évoque uniquement les reflex Pentax, ainsi que les compacts Ricoh GR. Les compacts baroudeurs des séries G et WG ou les jumelles Pentax ne seraient donc pas concernés. De même, les caméras 360 de Ricoh ne sont pas mentionnées dans ce communiqué.
En effet, lors de notre interview d’octobre 2019, Philippe Farreng, Directeur général des ventes de Ricoh pour l’Europe, avait indiqué que ces dernières « sont l’un des focus majeurs de l’entreprise », notamment sur le marché des professionnels (B2B). En conséquence, les caméras telles la récente Ricoh Theta X devrait a priori continuer à être produites sur le même mode qu’actuellement. Un point que laisse entrevoir un récent communiquer de la branche européenne, qui indique que la société « a des objectifs importants cette année, qui nécessiteront l’utilisation d’outils de production de masse de ses produits ».
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En revanche, on ignore si tous les boîtiers actuellement proposés par la marque continueront à être proposés. L’avenir d’un boîtier comme le K-1 Mark III, dont le lancement remonte à 2018, est donc légèrement flou. Pentax prépare-t-il un nouveau reflex plein format ? Pour l’heure, le mystère reste entier.
Et pour les autres pays ?
Suite à la publication de ce communiqué, les branches américaine et européenne de Ricoh-Pentax ont indiqué que ces importants changements ne concernent que le marché japonais. Pour les consommateurs français, suisses, belges ou canadiens, rien ne change.
Il n’est pas à exclure que la marque décide de commercialiser les versions « personnalisées » les plus populaires, via un réseau de distributeurs triés sur le volet.
Contactée par Phototrend, la marque n’a pas encore répondu à nos demandes d’informations. Dans un communiqué, la branche EMEA (Europe, Middle-East, Africa) indique de manière laconique que « les clients en Europe peuvent continuer à acheter des appareils photo Ricoh et Pentax par l’intermédiaire de nos revendeurs agréés et directement sur notre site web ».
Quoi qu’il en soit, il nous tarde de voir la manière adoptée par les deux marques pour se réinventer et renforcer sa relation avec sa fanbase japonaise.
