Mort du photographe Steve Schapiro : il avait immortalisé la lutte pour les droits civiques et Hollywood dans les années 1960-1970

Grand photographe de plateau, Steve Schapiro vient de mourir. De “Taxi Driver” au “Parrain”, il avait mieux que quiconque su rendre l’ambiance électrique des tournages hollywoodiens.

Robert De Niro dans “Taxi Driver”, à New York (1975).

Robert De Niro dans “Taxi Driver”, à New York (1975). Photo Steve Schapiro

Par Charlotte Fauve

Publié le 18 janvier 2022 à 12h32

Mis à jour le 18 janvier 2022 à 16h58

Comme un dernier clin d’œil à l’instant décisif. Le 15 janvier 2022, le photographe Steve Schapiro s’est éteint à Chicago à l’âge de 87 ans, pile – relève son galeriste, David Fahey – le jour de l’anniversaire de Martin Luther King, qu’il avait immortalisé en 1965, prêchant lors des grandes marches de protestation pour les droits civiques. Schapiro avait l’art de la photographie mémorable, du cliché qui claque, dont certains sont devenus des icônes. Tel celui, dramatique, inoubliable, figurant l’empreinte d’une main sur le mur lugubre d’une salle de bains de Memphis. Celle-là même d’où un sniper avait abattu le grand activiste afro-américain en 1968. Né à New York, Steve Schapiro a tout juste 9 ans lorsqu’il découvre la magie de la photographie dans la chambre noire d’une colonie de vacances. Il fait ses débuts dans les années 1960, en plein âge d’or du photojournalisme, s’imposant par son sens de la débrouillardise, par sa gentillesse ( il savait mettre à l’aise aussi bien la star de cinéma que l’anonyme) et par son culot. Comme lorsqu’il se faufile entre les jambes de ses concurrents pour tirer le portrait en contre-plongée de Jackie Kennedy, parce qu’il est plus petit que les autres.

Un “Who’s Who” de vedettes

Steve Schapiro en 1966

Steve Schapiro en 1966 Photo Courtesy of Taschen

Très vite, ses images font la une des magazines, et plus particulièrement de Life, pour lequel il couvre, inlassablement, les cicatrices de l’Amérique. « J’ai tout photographié, des caniches aux présidents », expliquait-il dans un rire. Mais s’il se fait connaître en tant que photographe de presse, il assoit sa réputation grâce à ses photos de plateau, immortalisant un nombre incroyable de tournages dont il sait rendre l’ambiance électrique. Beaucoup des films qu’il couvre deviendront des classiques, de Taxi Driver, de Martin Scorsese (1976), au Parrain, de Coppola – on lui doit d’ailleurs l’affiche en clair-obscur du troisième volet de la saga, sur laquelle pose Al Pacino assis dans un fauteuil. Ses portraits peuvent aussi se lire comme un Who’s Who de vedettes, de Jodie Foster à Dustin Hoffman, qui dans Steve Schapiro et les icônes américaines, documentaire des sœurs Kuperberg (France, 2013) ne sont pas les premières à louer ce grand photographe, inséparable de son bichon, toujours prêt pour une bonne blague ou un pas de claquettes.

Marlon Brando, The Godfather, 1971

Marlon Brando, The Godfather, 1971 Photo Steve Schapiro / Courtesy of Fahey Klein Gallery

Jodie Foster dans “Taxi Driver”.

Jodie Foster dans “Taxi Driver”. Krause & Johansen

Mais le secret de Steve Schapiro, finalement, était avant tout, comme Henri Cartier-Bresson (1908-2004) dont il aimait le travail - de savoir se faire oublier : « Attendre, invisible, comme une mouche sur un mur, le moment d’émotion qui fait le bon cliché », déclarait-il dans ce même documentaire. Le reste, composition, information, se mettait en place tout seul. « C’était un photographe complet, très simple et humble. Il y avait un vrai bonheur à travailler avec lui », se remémore ainsi Jean-François Leroy, directeur du festival Visa pour l’image, qui l’avait reçu à maintes reprises à Perpignan. Sur le répondeur du photographe, comme un ultime message à qui serait tenté de vouloir le joindre, on peut ainsi entendre : « Bonjour, c’est Steve Schapiro. J’espère que vous passez une bonne journée - c’est le cas pour moi. J’espère pouvoir vous répondre rapidement. Et si je ne peux pas, je vous aime ».

Martin Luther King durant la Selma March en 1965

Martin Luther King durant la Selma March en 1965 Photo Steve Schapiro / Courtesy of Taschen

Jacqueline Kennedy, Washington D.C., 1963

Jacqueline Kennedy, Washington D.C., 1963 Photo Steve Schapiro / Courtesy of Fahey Klein Gallery

VOTE, Selma March, 1965

VOTE, Selma March, 1965 Photo Steve Schapiro / Courtesy of Taschen

Watching the Selma March, Alabama, 1965, from the book Steve Schapiro: Then and Now © 2012 Steve Schapiro

Watching the Selma March, Alabama, 1965, from the book Steve Schapiro: Then and Now © 2012 Steve Schapiro Photo Steve Schapiro / Courtesy of Taschen

On the Road, Selma March , 1965

On the Road, Selma March , 1965 Photo Steve Schapiro / Courtesy of Taschen

À lire
The Fire Next Time, de James Baldwin et Steve Schapiro Editions Taschen
Ali, Steve Schapiro. Texte de Jack Olsen. Éditions Power House book
The Godfather, de Steve Schapiro et Paul Duncan. Editions Taschen.

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