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Présidentielle: Jean-Luc Mélenchon et la photo de presse, une relation parfois houleuse

Jean-Luc Mélenchon à Marseille, le 1er mai 2019

Jean-Luc Mélenchon à Marseille, le 1er mai 2019 - CHRISTOPHE SIMON / AFP

Dans l'entourage du candidat insoumis, voire de la part du député lui-même, il n'est pas rare que des critiques fusent quant aux photographies accompagnant les articles portant sur Jean-Luc Mélenchon.

Sur les réseaux sociaux, c'est devenu monnaie courante: il n'est pas rare de voir des réactions courroucées de militants de La France insoumise (LFI) face à des photographies de Jean-Luc Mélenchon choisies pour illustrer des articles de presse. Pour qui observe de près la vie politique, ce n'est pas un secret. Le candidat à la présidentielle pour la troisième reprise, invité ce jeudi de l'émission La France dans les yeux de BFMTV, n'apprécie guère les séances photos. Et ce ne sont ni les photojournalistes chargés de le suivre, ni les membres de son équipe, qui s'inscriront en faux.

"Je confirme", corrobore en riant Coline Maigre, l'attachée de presse de Jean-Luc Mélenchon, contactée par BFMTV.com. "Honnêtement, je ne pense pas qu'il le fasse exprès, je pense qu'il est allergique à ça, qu'il a l'impression de perdre son temps", analyse pour sa part Boby, photoreporter qui suit "l'insoumis" depuis plus de cinq ans pour Libération. "Je pense qu'il est méfiant parce qu'il a conscience du poids des images", note aussi le journaliste.

"Souvent représenté la bouche ouverte, le poing levé"

Que ce soit en réaction à une publication de BFMTV ou de Libération, les commentaires abondent, souvent défavorablement. Sur Twitter, un compte intitulé #PhotoNormaleDeMelenchon et suivi par un peu plus de 2300 personnes, avec pour description "Tous les jours, un sourire de Jean-Luc Mélenchon", a été créé en novembre dernier, et s'astreint à publier un cliché quotidien et avenant du candidat.

Ces critiques ne sont pas nouvelles. En 2015, Jean-Luc Mélenchon lui-même s'était plaint avec virulence via le réseau social d'une photographie prise par Libération lors d'un meeting à Toulouse, comme Arrêt sur images s'en était fait l'écho.

"L'ordre médiatique règne. Photo pourrie dans Libé comme d'habitude. Les photos de Le Pen sont magnifiques", avait cinglé le tribun, immortalisé les bras levés, la bouche ouverte.

"Souvent, il y a des photos où il n'a pas l'air sympa. (...) Si vous tapez Le Pen (dans Google, NDLR), souvent elle est souriante. Globalement, c'est plus neutre", reprend en ce sens Antoine Léaument, responsable de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon.

En meeting, dans la rue, lorsqu'il s'agit d'une photo spontanée et non "posée" par exemple dans le cadre d'un portrait, Coline Maigre dit avoir l'impression que le leader des insoumis est "souvent représenté la bouche ouverte, le poing levé".

"Après, c'est un tribun, il parle avec ses tripes, mais c'est pas pour autant qu'il faut le représenter la bouche ouverte", critique-t-elle, assumant avoir, à deux reprises, déjà fait des remarques à des rédactions. "C'est mon boulot aussi", se justifie-t-elle. "Les gens, dès qu'il est normal, ils se disent 'il est calme'. (...) On trouve que les photos peuvent participer à déformer son image", pour Antoine Léaument.

"On n'est pas là pour faire sa com'"

"Factuellement, c'est faux de dire ça", réagit Boby concernant les critiques et accusations de partialité dans le traitement iconographique de Jean-Luc Mélenchon. "Quand je vais faire une photo, je ne me dis pas 'je vais me le faire'", commente le reporter. "Je pense qu'il veut livrer une facette (...), mais nous, les photographes de presse, on n'est pas là pour faire sa com'", rappelle-t-il.

"Il vit vraiment ce qu'il dit, il est happé. (...) C'est plus un personnage de télé que de photo", suggère Boby.

Début janvier, à l'occasion d'un entretien-fleuve de Jean-Luc Mélenchon accordé à Libération, Boby a signé la une du quotidien. Le candidat apparaît souriant, sur fond sombre, avec un néon arrondi aux faux airs d'auréole au-dessus de la tête.

Le cliché, capturé dans les locaux de campagne du député des Bouches-du-Rhône quelques mois auparavant, suscite de nombreux commentaires positifs sur Twitter en provenance de militants LFI. Ce que souligne Boby dans une série de tweets sur le réseau social, puis dans un billet sur le site du journal.

"Un insoumis dans tous les sens du terme"

Interrogé spécifiquement sur cette photo, Antoine Léaument lance: "C'est différent, parce que c'est un portrait. C'est rare qu'un portrait soit moche". "À titre personnel, j'estime qu'une bonne photo est aussi une belle photo", expliquait d'ailleurs Boby dans son billet.

"Pour moi, le portrait, c'est autant de la photographie que de la psychologie", confiait-il à Slate récemment. Le photographe, supporter de l'Olympique de Marseille, raconte avoir déjà revêtu le maillot de son club pour une séance photo avec le député des Bouches-du-Rhône à l'Assemblée nationale, espérant gagner quelques minutes supplémentaires pour un portrait.

Peine perdue, relate Boby, selon lequel invariablement, les séances photos n'excèdent pas les trois-quatre minutes. Le reporter se souvient, en mars 2020. La chape de plomb du confinement s'est abattue sur le pays, et il est missionné pour aller photographier le parlementaire chez lui. Initialement, il est prévu que la pose se déroule dans la cage d'escalier. "Finalement, il m'a fait rentrer. Je suis arrivé à 11 heures, à 11h04 j'étais parti". Quoi qu'il en soit, Boby en tire son parti et dit s'estimer "heureux de réussir à grappiller 2-3 minutes".

"Ce n'est pas évident de le photographier, après, ça fait partie du jeu, comme n'importe quel candidat", relativise Boby, qui se remémore une séance photo plus ancienne avec Christiane Taubira, qui n'avait pas été forcément aisée.

Si l'équipe de campagne nie que la relation soit "compliquée" entre Jean-Luc Mélenchon et la photographie de presse, Antoine Léaument concède toutefois: "Les photographes lui demandent de poser, 'mettez-vous comme-ci, comme ça' et ça, il n'aime pas. C'est un insoumis dans tous les sens du terme", s'amuse-t-il.

Clarisse Martin Journaliste BFMTV