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Photographie : « L’Afrique secrète » de Françoise Huguier fait escale à Paris

A la galerie Art-Z, la photographe présente pour la première fois sa série « Secrètes » en regard de tirages de Seydou Keïta et de Malick Sidibé issus de sa propre collection.

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Publié le 02 avril 2022 à 09h00, modifié le 02 avril 2022 à 13h06

Temps de Lecture 5 min.

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« Chambre d’une famille peule, Mopti, Mali ». Série « Secrètes » (1997).

Une Afrique au féminin et tout en intimité. C’est ce que propose l’exposition de la série « Secrètes », de Françoise Huguier, accompagnée de tirages de sa collection personnelle de ses amis maliens disparus, les grands photographes Seydou Keïta (1921-2001) et Malick Sidibé (1936-2016), à la galerie Art-Z, dans le 11arrondissement de Paris, jusqu’au 23 avril.

Grande arpenteuse du continent africain, Françoise Huguier est partie dans les années 1980 sur les traces de la mission Dakar-Djibouti (de 1931 à 1933), dans les pas de l’écrivain, ethnologue et critique d’art Michel Leiris, secrétaire de l’expédition dirigée par l’anthropologue Marcel Griaule, qui sera ensuite connu pour ses travaux sur les Dogon et leur cosmogonie. Un beau livre, Sur les traces de l’Afrique fantôme (éd. Maeght, 1990) – en réponse à l’ouvrage de Michel Leiris, L’Afrique fantôme, publié en 1934 –, relate cette épopée photographique.

« Le pêcheur bozo, Tombouctou, 1988 ». Couverture de l’ouvrage de Françoise Huguier, « Sur les traces de l’Afrique fantôme » (éd. Maeght, 1990).

Au Mali et au Burkina Faso, en 1996 et 1997, elle va prendre le temps de la rencontre : « J’ai parlé aux gens, je suis entrée dans les maisons, dans les chambres des femmes qui renferment tous leurs secrets et j’ai écouté. J’ai ainsi gagné le droit de photographier leur vie, dans l’intimité, la simplicité et le respect partagé. Ce sont des regards de femmes qui vous captivent, recueillis dans l’abandon d’un coin de lit. Chaque photographie trahit la complicité. »

« Elle va droit au but »

Olivier Sultan, fondateur et directeur de la galerie Art-Z, admire depuis longtemps le travail de la photographe : « J’aime son approche franche et sans concessions. Elle va droit au but. Elle place l’exploration culturelle au cœur de sa démarche photographique. La prise de vue vient ponctuer et couronner un dialogue en profondeur avec les habitants des pays qu’elle visite. L’amitié et la complicité qu’elle a nouées avec Seydou Keïta et Malick Sidibé sont pour la première fois mises en lumière avec cette exposition. »

  • « Chambre d’une famille bozo, Mopti, Mali ». Série « Secrètes » (1997).

    « Chambre d’une famille bozo, Mopti, Mali ». Série « Secrètes » (1997). FRANÇOISE HUGUIER

  • Série « Secrètes » (1996).

    Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • « Jeune fille peule, Ségou, Mali ». Série « Secrètes » (1996).

    « Jeune fille peule, Ségou, Mali ». Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • « Pays lobi, Burkina Faso ». Série « Secrètes » (1996).

    « Pays lobi, Burkina Faso ». Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • Série « Secrètes » (1996).

    Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • « Pays lobi, Burkina Faso ». Série « Secrètes » (1996).

    « Pays lobi, Burkina Faso ». Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • « Femmes peules. Mopti, Mali ». Série « Secrètes » (1996).

    « Femmes peules. Mopti, Mali ». Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • Série « Secrètes » (1996).

    Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • Série « Secrètes » (1996).

    Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • Série « Secrètes » (1996).

    Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • Série « Secrètes » (1996).

    Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

  • Série « Secrètes » (1996).

    Série « Secrètes » (1996). FRANÇOISE HUGUIER

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C’est en 1992 que la Française va rencontrer Seydou Keïta. A Bamako, Françoise Huguier organise un atelier de travail avec Django Cissé. Depuis les années 1970, le photographe est spécialisé dans les cartes postales. Il a sillonné le Mali, immortalisant la photogénie du pays. « Je lui ai demandé s’il pouvait me présenter d’autres photographes et nous sommes allés chez Seydou », se souvient-elle.

Dans la chambre de celui qui sera célébré quelques années plus tard comme l’un des plus grands portraitistes africains, exposé notamment à la Fondation Cartier, à Paris en 1994, et au musée Guggenheim de New York, en 1996, elle découvre des cantines en métal avec des boîtes de négatifs bien rangés et demande au photographe l’autorisation de s’y plonger : « J’ai passé un moment à les choisir, puis je les ai ensuite apportés au laboratoire Publimod, à Paris, pour faire des planches-contacts et des tirages argentiques. »

Une prise par séance – par souci d’économie –, toujours à la lumière naturelle, en noir et blanc avec une chambre 13 x 18 : l’œuvre de Seydou Keïta, autodidacte de la technique photographique, est remarquable. Il ouvre son studio à Bamako en 1948. Très vite, son exigence esthétique fait son succès. Les habitants de la capitale malienne s’y précipitent. On y pose seul, en famille ou entre amis, devant des fonds à motifs changés tous les trois ou quatre ans.

Les clients y viennent endimanchés à l’occidentale ou en habits traditionnels et se font prendre en photo – en buste trois quarts ou en pied –, parfois avec des accessoires proposés par le maître des lieux, comme un poste de radio, un instrument de musique, un scooter. La pose du modèle est soigneusement étudiée par le photographe : l’orientation du visage et du regard, la position des mains. Un témoignage exceptionnel tout en grâce et élégance sur la société malienne des années 1950 et 1960.

« L’œil de Bamako »

A la fin de l’atelier de travail, Françoise Huguier rencontre un problème technique sur un appareil photo. « Allons chez Malick Sidibé, lui propose alors Django Cissé. C’est lui le spécialiste. » L’homme est effectivement en train de réparer des boîtiers devant sa boutique. Il lui fait visiter son studio. Là aussi, elle y découvre une quantité de cartons remplis de négatifs : « Je lui demande la permission d’en choisir pour les emporter en France afin d’effectuer des tirages. »

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Depuis le début des années 1960, celui qui sera surnommé « l’œil de Bamako » a photographié la jeunesse lors de surprises-parties des années yéyé. C’est l’euphorie de l’indépendance et la découverte de la musique française et anglo-saxonne de l’époque. Les mœurs se relâchent : on danse, on flirte, on se défoule jusqu’à l’aurore. Malick Sidibé enchaîne les nuits, immortalisant l’esprit de ce moment historique. Puis, comme son aîné, il ouvrira son propre studio, en 1962, dans le quartier populaire de Bagadadji, et y travaillera jusqu’en 2014, avant de s’éteindre en 2016.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Mort de Malick Sidibé, l’œil de la nuit bamakoise

En décembre 1994, Françoise Huguier crée les Rencontres africaines de la photographie à Bamako : « Il me semblait indispensable d’exposer Seydou et Malick. » C’est le début d’une reconnaissance mondiale. En 1995, Malick Sidibé est présent à la Fondation Cartier – un an après Seydou Keïta –, reçoit en 2003 le prestigieux prix Hasselblad et, en 2007, le Lion d’or à la Biennale d’art contemporain de Venise pour l’ensemble de son œuvre, lui qui ne se considérait pas véritablement comme un artiste.

Aujourd’hui, les tirages des deux maîtres maliens peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros et leurs négatifs n’ont pas encore délivré tous leurs secrets, dormant toujours pour beaucoup sans avoir été exposés à la lumière d’un agrandisseur photographique.

« L’Afrique secrète » de Françoise Huguier, jusqu’au 23 avril à la galerie Art-Z, 27 rue Keller, 75011 Paris. Du mercredi au samedi, de 14 heures à 19 heures.

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