L’hyperfocale est la distance de mise au point qui maximise la profondeur de champ. Traditionnellement incontournable pour les photographes de rue, elle s’était invitée jusque sur les fûts des objectifs. Mais avec l’amélioration des autofocus, elle devient facultative, voire oubliée. Revenons donc sur cette notion et répondons à cette question : l’hyperfocale est-elle toujours utile ?

L’hyperfocale, qu’es aquò ?

Avant tout, revoyez notre article sur la profondeur de champ si vous n’êtes pas familier avec cette notion. En effet, l’idée de distance hyperfocale en découle directement. Il s’agit de faire le point suffisamment loin et/ou d’étendre la profondeur de champ, jusqu’à ce que les objets situés à l’infini soient nets.

Schéma explicatif de l'hyperfocale

Par exemple, vous aurez des étoiles parfaitement ponctuelles, tout en ayant fait le point plus près que l’horizon. L’hyperfocale est la distance de mise au point à laquelle cela se produit. Autrement dit, si vous faites le point plus près que l’hyperfocale, les étoiles seront légèrement floues. Si vous faites le point à l’hyperfocale ou plus loin, elles seront nettes.

Comparaison de mises au point classique et hyperfocale
La mise au point à l’hyperfocale s’oppose à la mise au point sélective. © Franck Mée

C’est aussi en faisant le point à l’hyperfocale que la profondeur de champ est maximale : elle s’étend de la moitié de cette distance jusqu’à l’horizon. Elle est donc très utilisée en paysage afin que toute l’image soit nette – le rocher du premier plan comme la montagne du fond. Elle permet aussi d’optimiser les chances d’avoir un sujet net sans faire de mise au point. Les photographes de rue, de sport, etc., y recouraient donc massivement.

Calcul et utilisation de l’hyperfocale

Puisqu’il s’agit de profondeur de champ, l’hyperfocale varie avec la longueur focale et l’ouverture du diaphragme. Il existe de nombreux sites et applications permettant de la calculer. Pour les plus simples, il suffit de rentrer focale et ouverture pour obtenir la distance hyperfocale. Vous n’avez plus qu’à régler la mise au point manuellement sur celle-ci, et toute votre image sera raisonnablement nette, de la moitié de cette valeur jusqu’à l’horizon.

Mise au point à l'hyperfocale sur un 50 mm manuel
La mise au point est ici faite à l’hyperfocale pour f/8 : le repère « infini » est aligné sur le repère « 8 » de gauche. Les objets sont nets à partir de 5 m environ (repère « 8 » de droite).

Sur certains objectifs, surtout les focales fixes haut de gamme ou manuelles, vous trouverez aussi une échelle de profondeur de champ. Placez le repère « infini » en face du repère correspondant à votre ouverture, et vous serez à l’hyperfocale.

Il existe également des appareils capables d’afficher la profondeur de champ à l’écran ou dans le viseur. Dans ce cas, faites glisser le point jusqu’à ce que la limite lointaine touche l’horizon. Les Fujifilm X100 et Ricoh GR, par exemple, proposent cette fonction.

Le cercle de confusion : une notion inutile ?

Notez qu’avec ces outils, la valeur obtenue se base sur les utilisations courantes. Mais il est évident que les détails que voit le capteur d’un Sony Alpha 7S III, avec ses gros photosites ultra-sensibles, sont plus grossiers que ceux captés par un Leica M11 !

Si vous regardez vos photos à l’écran sans zoomer ou faites des tirages 20×30 cm au maximum, vous ne verrez pas la différence. Mais si vous utilisez un capteur extrêmement défini, puis recadrez généreusement ou faites des agrandissements extrêmes, vous pourrez découvrir un léger flou à l’horizon !

Calcul avancé de l'hyperfocale dans PhotoPills
Outre le mode classique (à gauche), PhotoPills propose un mode avancé qui prend en compte taille de tirage et distance d’observation. Pratique si vous photographiez des posters publicitaires !

Dans ce cas, vous devrez utiliser une application plus complète, qui prend en compte le « cercle de confusion ». Il s’agit de la taille du plus petit élément que peut distinguer votre appareil. Pour des utilisations habituelles, il est généralement fixé à 0,025 mm. Cette valeur correspondait aux films basse sensibilité en argentique, et elle reste valable pour les capteurs plein format courants. Mais un capteur de 60 MP a des photosites de moins de 4 µm de côté. En théorie, il serait donc capable de voir des détails de 8 µm ! Si vous agrandissez ou recadrez ses images, il vaut donc mieux calculer l’hyperfocale avec un cercle de confusion de 0,015, voire 0,01 mm.

Autrement dit, en général, oubliez le cercle de confusion. Laissez l’application gérer ce paramètre et concentrez-vous sur le cadrage ! Ne le modifiez que si vous prévoyez des tirages gigantesques ou des recadrages extrêmes.

L’hyperfocale à l’heure de l’autofocus

Nous l’avons dit : l’hyperfocale est l’arme favorite de ceux qui n’ont pas le temps de faire le point. Les photographes de rue ou de sport l’ont donc massivement utilisée durant des décennies. Vous retrouverez d’ailleurs cette logique dans le mode « Snap » des Ricoh GR, spécifiquement conçu pour saisir les instants décisifs à la volée.

Hyperfocale et miroir d'eau de Bordeaux
Pour cet instantané, j’étais sûr que les enfants seraient aussi nets que le paysage, même sans faire le point. Ils étaient à plus de deux mètres, donc dans la zone de netteté à l’hyperfocale pour cet appareil. © Franck Mée

Mais les autofocus sont aujourd’hui tellement efficaces qu’il est rare de rater la mise au point. Il suffit d’aligner le collimateur actif sur le sujet pour, en une fraction de seconde, assurer une netteté parfaite. Sur le Canon EOS R3, vous n’avez même qu’à regarder dans l’image et presser le déclencheur !

Or, l’hyperfocale a deux inconvénients. D’une part, si un sujet passe trop près de l’appareil, il sera flou. D’autre part, pour étendre la profondeur de champ et ainsi obtenir une hyperfocale raisonnablement proche, vous devrez souvent fermer le diaphragme.

Lune et arbres nets
Même à l’hyperfocale, avec ce 200 mm à f/6,3, il fallait être plus de 200 m des arbres pour qu’ils puissent être aussi nets que la Lune… © Franck Mée

C’est particulièrement vrai avec les téléobjectifs : sur un 500 mm à f/8, l’hyperfocale est de l’ordre du kilomètre. La zone de netteté obtenue commence donc à plus de 500 m. Cela peut convenir pour un chamois sur la montagne d’en face, mais supposez qu’une marmotte sorte sans prévenir de son terrier à quelques dizaines de mètres : vous devrez faire le point ! Dans ces conditions, il est donc tentant de se reposer sur l’autofocus.

Toujours un outil à connaître

L’hyperfocale reste pourtant utile. Elle permet en particulier d’avoir un rendu constant sur toutes vos images, avec un arrière-plan systématiquement net.

C’est bien pratique en photo de paysage, où l’autofocus risque parfois d’accrocher un objet trop proche et de flouter l’horizon. Cela peut également éviter les variations de la zone de netteté en photographie urbaine. Si vous faites une série sur la tour Eiffel, vous voulez que la pointe de celle-ci soit toujours parfaite, même lorsque vous avez un personnage au premier plan. L’autofocus, en faisant le point tour à tour sur la dame de fer et sur le touriste de passage, risque de mettre à mal l’homogénéité de votre reportage…

En somme, l’évolution technologique a grandement réduit l’intérêt pratique de l’hyperfocale. Néanmoins, il s’agit toujours d’un outil à connaître, qui peut s’avérer précieux dans certaines situations.

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Auteur

Traducteur, journaliste, pilote privé. Passionné de photo et de cinéma, docteur en binge-watching, mais surtout fasciné par tout ce qui vole, du martinet au Boeing 747. Considère qu'un 200 mm, c'est un grand-angle.

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